Je poursuis ma série au sujet de Macherot. Il a livré trois histoires mettant en scène le colonel Harold Wilberforce Cliifton, ancien agent du MI5 à la retraite et s'occupant de sa collection de timbres postaux. C'est par ailleurs un ancien chef scout et il vient dans cette histoire au secours d'un autre scout de sa meute, Osbert Horsepower, alias Moineau attentif, qui est un ingénieur atomiste. Nous sommes alors dans la plus pure tradition britannique : Clifton fume la pipe bien entendu, boit du thé à cinq heures, joue au golf, appartient à un club, porte une longue moustache et une casquette (de préférence à carreaux ou à couleurs étranges ou ridicules), est revêtu d'un trench passe-muraille quand il part sous la pluie qui arrive souvent, ne se sépare jamais de son parapluie, circule en Aston-Martin (décapotable quand il ne pleut pas) et a une gouvernante un peu envahissante comme dans les histoires de Sherlock Holmes. Rien d'étonnant : nous sommes en Grande-Bretagne. C'est le gentleman anglais parfait.
On est donc dans le domaine de la pure dérision : tous les clichés au sujet de l'Angleterre sont présents. Qui saurait être plus anglais que Clifton ? Mais ce serait oublier bien entendu le capitaine Francis Blake ! Même fière moustache blonde, même trench, même casquette (un peu plus militaire quand même). Et on peut saluer l'allure virile du capitaine alors que Clifton n'en mène pas large.
Face à lui, que trouve-t-on ? Les forces du mal ! Le mal absolu et personnifié. Une ombre gigantesque et non un personnage. Un individu avec un monocle, un loden couleur Forêt noire, une jambe unique, un fume-cigarette (signe complet du mal le plus épouvantable), un chapeau tyrolien et qui plus est à plumes ! la canne, et nous le verrons dans les cases de l'histoire : le crâne rasé à la Von Stroheim ! Parlant en plus avec l'accent allemand. Il est présent par une ombre distendue et donc encore plus épouvantable. Bref, le pire du pire. Macherot se moque des conventions d'apparence britanniques qui avaient lieu dans son journal, il ne croit pas un seul instant aux histoires héroïques de résistance d'Hergé, de Jacobs et à leurs références à un chic anglais qui leur fait accepter des histoires stupides et sportives sous prétexte que leur auteur serait d'origine britannique. L'anglomanie du journal de Tintin dans les années cinquante était insupportable et elle était là pour faire passer le passé de ses collaborateurs (ce dernier mot n'est pas choisi par hasard). Il s'agit d'une critique radicale des gens à la base de ce journal et cela on ne pouvait le manquer. C'était évident que Macherot se moquait des gens importants dans ce journal et il n'avait plus sa place dedans.