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Les rats noirs

Publié le 03 avril 2010 par Desiderio

Chlorophylle.JPGJ'ai beaucoup hésité en choisissant un album de Macherot et surtout de Chlorophylle. C'est très simple : ils sont tous excellents et c'est un de mes dessinateurs préférés. J'ai pris le premier de la série (1954 dans Tintin, 1956 en album) parce qu'il permet de parler de la suite.

Commençons par le personnage principal : c'est un lérot fort sympathique (et bien entendu au service du bien). Il est encore seul, son faire-valoir le souriceau Minimum - un peu râleur - n'apparaît que dans le deuxième album, Chlorophylle et les conspirateurs.  Ce qui est d'abord remarquable chez Macherot, c'est le choix des noms de personnages : Bitume le corbeau, Serpolet le lapin, Torpille la loutre. Tout est poésie chez lui. Notre héros a de grands yeux arrondis et de larges oreilles, on pense tout de suite à l'ami public numéro un : Mickey Mouse ! Mais ce n'est pas du tout la même chose : Chlorophylle est d'abord une série qui se déroule dans la nature alors que Mickey évolue dans un monde ressemblant à celui de l'Amérique conçue comme le monde entier. Les personnages sont tout nus, ils ne commenceront à porter des costumes que plus tard. Je crois à partir de Zizanion le terrible en 1958. L'anthropomorphisme se poursuivra et on verra Chlorophylle avec un chapeau haut-de-forme préfigurant déjà l'élégant Chaminou et son monocle. Puis on le verra au volant d'une voiture miniature et je dois dire que la série a hésité entre trop de tendances différentes selon les désirs des responsables éditoriaux. Il me semble que Macherot avait su créer d'abord une bande dessinée animalière qui était du non Disney, puis on lui a demandé de faire plus Disney et c'est dommage.

Ensuite, examinons l'image.  Nous avons notre héros au premier plan qui se cache derrière un rocher, mais que nous voyons nous. C'est un grand classique du genre dans les récits d'aventure. Puis, nous voyons les affreux méchants au second plan avec leur air agressif et leurs dents préominentes. Ils sont tous noirs, puisque tel est leur nom, ce sont bien des rats noirs tandis que le héros (au service du bien, ne l'oublions pas) est roux comme il se doit. Le comique de l'image vient des instruments de fortune qui servent d'armes aux rats noirs. On voit même un crayon et une gomme, comme si cela devait servir à transpercer le flanc de l'ennemi ou à effacer l'autre ! Bref, nous sommes dans la dérision des récits qui avaient cours dans Tintin, ceux de Tintin justement, de Lefranc et de Blake et Mortimer. La redondance des rats noirs (variété d'animaux bien existante) n'est pas le fait du hasard : il s'agit du mal absolu. Le nom de son chef ne laisse aucun doute : Anthracite. La noirceur est bien au coeur de l'histoire. Le problème, c'est que Macherot n'était pas vraiment en raccord avec la ligne éditoriale de ce journal bien-pensant et très catholique qu'était Tintin. Il dessinait dans un style animalier alors qu'Hergé détestait ce type de récit même si cela avait partie de ses premiers essais, il se moquait des héros qui sauvaient le monde entier, du manichéisme des histoires et il s'attardait sur des détails naturels comme la petite coccinelle qui préfigure déjà celle de Gotlib. Des feuilles mortes, des fleurs, des pierres, des choses sans importance et finalement la vie.


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