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Banlieues : l’autre échec de Nicolas Sarkozy

Publié le 03 avril 2010 par Hmoreigne

 Ni kärcher ni plan Marshall. Les banlieues, c’est un grand classique, ne sortent périodiquement de l’oubli dans lequel elles sont reléguées qu’à l’occasion de violences urbaines. Les événements de Tremblay-en-France ont permis de rejouer une pièce dont le scénario est éventé. Discours sécuritaire et coups de mentons d’un côté. Jeunes à capuches de l’autre. Bus incendiés, population traumatisée au milieu. Voix discordante dans des médias qui ne voient dans la violence dans les quartiers qu’un marronnier comme un autre, Luc Bronner estime que dans ces territoires oubliés se joue un enjeu central de la société Française.

Sarko l’américain, celui qui dans une grande arrogance se permet de donner des leçons sur la protection sociale à Barack Obama en lui “souhaitant la bienvenue dans le club des Etats qui ne laissent pas tomber les gens malades” ne doit pas être dépaysé par les quartiers “sensibles” français. A défaut de far-west et de Chicago, il y règne un air de Harlem. Autrement dit des ghettos qui ne disent pas leur nom mais qui convient bien à une société marqué par un accroissement des inégalités et le retour de véritables cours des miracles .

S’inscrivant dans les pas de Nicolas Sarkozy qui fût pendant longtemps ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux entouré d’un dispositif policier conséquent est allé sur place faire le bravache pour déclarer devant micros et caméras que les « petites crapules » ne feraient pas la loi dans leur quartier et qu’il allait poursuivre la «  guerre » aux trafics de drogue et aux bandes.

Le silence des ghettos. On pourrait certes en rester là et considérer que les banlieues sont des territoires perdus et surtout irrécupérables. C’est l’attitude qui prévaut depuis plusieurs décennies. Notre société et les gouvernements successifs à défaut de pouvoir ou de vouloir changer les choses ont érigé des murs invisibles autour d’une France qu’on ne veut pas voir.

La priorité n’est pas la remise à niveau de ces territoires mais simplement d’éviter que sa violence et sa misère s’exporte dans les beaux quartiers. A 18 kilomètres seulement à vol d’oiseau de la capitale Villiers-le-Be l, constitue une démonstration de cette ghettoisation qui ne dit pas son nom. Pour mieux assurer la cantonnement des populations jugées indésirables, les transports en commun ignorent superbement des habitants. A l’heure du TGV, il leur faudra autant de temps (1h30) que des Lyonnais pour rejoindre Paris.

Luc Bronner, journaliste du quotidien Le Monde et dont la qualité du travail sur les banlieues a été récompensé par le prestigieux prix Albert Londres dénonce cette ségrégation rampante qui se traduit par des cités ghettos dans lesquelles ne vivent pratiquement plus de “blancs”. Dans une logique d’enfermement, elles sont devenues des lieux de concentration de populations issues de l’immigration, assignées de fait à résidence. Concentration de pauvreté également puisqu’un tiers des habitants des zones urbaines sensibles vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Dans son schéma de pensée manichéiste, Nicolas Sarkozy, ex ministre de l’intérieur mais aussi de l’économie et des finances, refuse de voir le trafic des stupéfiants sous le créneau de la misère sociale. Il constitue pourtant pour l’ethnographe du Monde une forme de marché noir du XXIe siècle.

Sa fonction économique est essentielle sous la pression de la difficulté sociale. Sans rien vouloir excuser, les ressources liées à la drogue est aujourd’hui d’une certaine façon l’équivalent de la mendicité d’autrefois, le seul moyen de survivre. Si cette économie souterraine irrigue ces territoires, c’est qu’au fil des ans ils sont devenus des trous noirs de la république dans lesquels les enseignants sont souvent les derniers témoins d’une république amnésique de l’égalité et de la fraternité qui figure sur ses frontons.

Luc Bronner s’étonne qu’on ait abandonné ces quartiers à des poignées d’adolescents qui font la loi sur les adultes. Il invite surtout à apporter une réponse politique à cette situation. Le journaliste relève le très faible rapport entre le nombre d’habitants et le nombre de votants, fruit d’un désaveu à l’égard de la politique. Il considère à ce titre que ces quartiers précédent dans cette attitude le reste du pays, la perte de la tradition électorale amplifiée par des jeunes qui n’ont jamais vu leurs parents voter. A ce titre les banlieues soulignent des phénomènes nationaux notamment la prééminence de l’élection présidentielle, fortement médiatisée qui écrase et rend sans intérêt toutes les autres.

En témoin privilégié des quartiers populaires, Luc Bronner estime que “le taux extrêmement élevé de l’abstention aux élections régionales (80%) aurait dû être considéré comme un événement plus grave que les émeutes de 2005, parce que plus massif, touchant des centaines de milliers d’adultes, et pas seulement quelques milliers d’émeutiers”.

De nombreux élus ne cachent pas leur inquiétude face à ce phénomène qui témoigne selon eux du fait que ces populations ont organisé leur vie avec leurs propres réseaux, avec leurs codes et qu’elles ne ressentent pas le ­besoin de s’exprimer. Même si elle ne constitue pas une solution miracle, la vieille idée de Laurent Fabius reformulée à l’occasion des régionales de rendre le vote obligatoire et de comptabiliser les votes blancs va, à cet égard, dans le bon sens.

Si la reconquête républicaine est indispensable elle sera d’autant plus difficile que les promesses non tenues du plan Espoir banlieues de Fadéla Amara, promis un temps comme un Plan Marschall, a fait flop. La faute à une technostructure administrativo-gouvernementale hostile à la mobilisation de moyens conséquents pour des territoires pourtant sinistrés.La faute à la secrétaire d’Etat plus attachée au maintien de son strapontin qu’à la réalisation des promesses.

Plus pourtant que l’affectation de moyens financiers colossaux le véritable enjeu c’est la reconnaissance de l’appartenance à la république de ces territoires et la fin de leur marginalisation. La quasi-militarisation mise en place par Nicolas Sarkozy n’est pas la solution.

Dans le seul département de Seine-Saint-Denis, il faudrait plusieurs centaines de policiers en renfort, essentiellement au niveau des commissariats, pour avoir une présence permanente sur le terrain, et pas seulement pour renforcer les unités d’intervention auxquelles on fait appel quand ça s’enflamme“, a déclaré à Reuters Nicolas Comte, secrétaire général de l’Union SGP Unité Police. Le syndicat dénonce également la suppressions de milliers de postes de policiers, notamment en banlieue en application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

L’échéance de 2012 apparaît dès lors comme le rendez-vous de la dernière chance. En 2007, Ségolène Royal très intuitive avait tendu la main à travers son idée de pacte présidentiel rappelant aux habitants des quartiers “vous n’êtes pas un problème, vous êtes au contraire une partie de la solution“. Une façon de rependre le concept de “France Unie “, slogan de la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1988.


Ségolène et la banlieue

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