Paul Harding, Sacrilège à Blackfriars

Publié le 03 avril 2010 par Argoul

Le moyen-âge anglais, vu par Paul Doherty dit Harding, a parfois une atmosphère de début Renaissance. Surtout lorsque – et le fait est rare – l’intrigue se déploie en été. L’été londonien de l’an 1379 est empli de bruit et de vie. Les pauvres hères mendient avec bonhommie, les gamins demi-nus jouent au ballon entre les étals ou se déguisent en malades. Leurs plaies en sang de porc sont fixées à leur chair par de la graisse ressortant fugitivement par les larges échancrures de leurs guenilles. Les godelureaux vont passer un temps à la taverne avant d’aller lutiner les ribaudes. Le guet veille et les trousse-laine se cachent dans les encoignures des portes, la nuit une fois bien tombée.

A la Cour, Jean de Gand le Régent vit fastueusement en son palais, veillant sur le gamin aux yeux de glace, le vrai roi Richard II fils du Prince Noir, trop jeune encore pour gouverner. Un prince italien cousu d’or soumet une énigme à la sagacité de ces lourdauds d’Anglais ; le Régent manipule l’affaire pour ridiculiser devant la Cour ce fat de sir John, coroner de Londres, qui boit trop et bouffe plus encore. Il n’a pas le profil délicat et féminin qu’une Cour désire pour garder la noblesse à merci.

Au monastère des Dominicains de Londres, ces frères noirs d’où vient le nom de Blackfriars, un jeune théologien soumet une thèse hardie à la critique des érudits et à la censure sourcilleuse de l’Inquisition venue de Rome. Des meurtres mystérieux et successifs de frères endeuillent la clôture et frère Athelstan, ancien dominicain lui-même de ce couvent, condamné à la pénitence dans une paroisse pauvre pour avoir fait la belle en sa jeunesse, est appelé avec sir John le coroner pour enquêter.

Dans l’église de St Erconwald, où officie Athelstan, des travaux de réfection du chœur mettent au jour un squelette, enfoui sous l’autel. Est-ce un saint martyr ? D’ailleurs se produisent déjà des miracles. Faut-il y croire ?

C’est l’été et il y a donc une triple énigme, celle de la Cour, celle du monastère et celle de la paroisse. Ont-elles un quelconque rapport ? L’envie, le vol, la réputation sont autant de passions humaines qui agitent la foule de ce temps-là. La peur de la faute aussi, devant Dieu autant que devant les hommes. Les quelques pages où les paroissiens se confessent à frère Athlestan de leurs péchés véniels sont un moment d’humour très anglais. Jusqu’à Crim, gamin ébouriffé à gueule d’ange, qui s’accuse fort sérieusement d’avoir « forniqué six fois ». A 10 ans…

Tout se résoudra en son temps, avec l’aide de Dieu sans doute, mais surtout avec l’aide de l’humaine logique, aidée de recherches dans les livres et d’interrogations de témoins. Récit alerte, intrigues compliquées à souhait, résolutions magistrales - voici un été fort animé pour les Londoniens du temps ! On ne s’ennuie vraiment pas à la lecture du livre.

Paul Harding, Sacrilège à Blackfriars (Murder most holy), 1992, 10/18 rééd. 2008, 277 pages, 6.65€