Brigitte Girardin et les faux amis

Brigitte Girardin, Présidente du Club Villepin, incarne la quasi totalité des enjeux de fond de la démarche de Dominique de Villepin. Comment sa culture d'Intérêt Général ayant la goût de l'éthique et des débats conceptuels peut-elle s'engager dans une démarche électorale répondant aux nouvelles pratiques des citoyens Français ? La Présidente du Club Villepin est à elle seule le résumé de la quasi-totalité des enjeux de la démarche électorale du leader qu'elle défend avec une loyauté exemplaire. Cet examen montre à la fois les risques de la démarche de DdV mais aussi ses atouts. Brigitte Girardin doit manifestement se méfier de quatre faux amis. 1er faux ami : l'Intérêt Général. Désormais, chaque électeur vote pour soi, pas pour un candidat et encore moins pour l'Intérêt Général qui a disparu du domaine des consciences du grand nombre. La "nouvelle génération" des électeurs a une approche citoyenne voisine de celle de la consommation courante. Il s'agit de détecter les mesures qui permettront d'améliorer son sort individuel. Le "grand bazar politique" est ouvert tout particulièrement en période électorale. L'électeur parcourt les rayons et choisit pour son intérêt personnel direct immédiat. Lui parler de la France, c'est presque lui parler d'une ... "famille lointaine" quand ce qui le préoccupe c'est son sort personnel égoïste immédiat. 2ème faux ami : parler de "famille politique". L'électeur vote pour une star, pas pour un responsable politique. Les familles classiques sont déjà éclatées alors que dire des "familles politiques" jamais fréquentées donc totalement inconnues. Cette déchirure affective ne peut pas le concerner. Si la France est une "famille lointaine", la "famille politique" est une "famille étrangère" pour le citoyen Français moderne. Par conséquent, il ne cherche même pas à comprendre des références à des repères qui lui sont extérieurs. 3ème faux ami : croire que la solitude durable puisse appeler de nouveaux "compagnons de route". La solitude isole quand la perspective de gagne accélère le tout car maintenant l'opinion vote pour un gagnant. Un candidat qui n'incarne pas la gagne par des avancées visibles rapides se fragilise terriblement. C'est d'ailleurs probablement là la fragilité auto-entretenue de François Bayrou. Il perd parce qu'il n'incarne plus la gagne. Les sondages récents de Martine Aubry en fournissent l'exemple contraire : l'opinion vole bien au secours de ... la victoire. 4ème faux ami : s'occuper des autres concurrents. L'efficacité est à l'autisme politique. Aucun autre concurrent n'existe en dehors du sien pas même le Président sortant. C'est cette ambiance de mégalomanie assez déjantée qui est récompensée par l'opinion. Pour une personnalité de la qualité de Mme Girardin, ces faux amis cachent des univers culturellement très éloignés des repères habituels. Ce qui va être intéressant, c'est d'observer le marqueur de la rencontre entre deux univers aussi éloignés au départ. Quels seront les efforts consentis par l'équipe Villepin et ceux de l'opinion qui est manifestement à la recherche de nouveaux ancrages ? C'est ce marqueur là qui devrait assez rapidement permette d'identifier les perspectives de croissance du candidat Villepin : comment aller à la rencontre de l'opinion sans se renier tout en intégrant certaines contraintes nouvelles incontournables ? Entre le candidat prêt à tout assumer (Sarkozy) pour gagner y compris les revirements les plus brutaux ou les manoeuvres les plus grossières et la rigidité morale (Villepin) d'une famille intellectuelle désireuse d'incarner une autre politique qui est d'abord par tempérament le rejet du premier candidat prêt à tout, le nouveau point d'équilibre sera intéressant. Le contenu des discours du 19 juin sera un indicateur de première qualité.