Magazine Culture
Un petit français qui lorgne du côté d'Inárritu pour un premier film, et qui plus est sur le sujet épineux du moment (les banlieues), ça avait tout d’alléchant. Et ça le reste. Une partie du film. Elbé, grâce à une sobriété de chaque instant (réalisation, acteurs, scénario), maintient son premier essai hors de l’eau en soulevant les bonnes questions sans jugement ni accusation aucune. Il pointe du doigt- au travers du paradoxe initial (l’agresseur est aussi le sauveur)- les mille autres qui nous explosent au visage: l’intégration désirée ardemment et l’impossibilité de totalement y parvenir, le combat de mères dépassées, la stigmatisation et le déchaînement des médias, la pression des cités, des voisins, des caïds, les affrontements systématiques entre jeunes et flics, la détresse des autres habitants, impuissants, abandonnés, comme condamnés par des tours en béton sur lesquelles tous (pouvoirs publics et consciences) ferment les yeux. Aussi, il parvient à faire vivre presque tous ses personnages (à l’exception du mari endeuillé), à les saisir dans leurs nuances, rappelant au passage l’ambivalence des situations où tout n’est pas tout blanc, ni tout noir, mais fait de contrastes douloureux où chacun traîne son fardeau. Hélas, il ne dépasse jamais le cadre conceptuel du film à thèse, donnant la chair sans le frisson, le bon mot sans l’émotion. Tête de turc (dualité de sens et d’interprétation jusque dans le titre) finit alors par piétiner au milieu de ses réflexions, bâclant avec horreur sa fin et laissant ainsi l’ensemble de ses problématiques- mises en jeu tout du long- à l’abandon, en point de suspension…La suite au prochain film?