En ce vendredi Saint, j'aimerais parler de quelque chose qui me tient vraiment à coeur...Non, je blague un peu. Je dirais plutôt : après le suicide virtuel, me voilà déjà de retour.
Je ne fête pas vraiment Pâques. Je n'ai aucun attachement pour cette fête mis à part le chocolat, mais je ne veux pas avoir l'air de ridiculiser cette fête, je respecte et comprends, du mieux que je le peux, ceux pour qui elle est importante. J'ai lu la bible en bonne étudiante d'histoire de l'art et j'ai adoré ma lecture. Je voulais pouvoir comprendre les tableaux religieux (les piétas, les annonciations, les résurrections). Les piétas me touchaient particulièrement. Je ne voulais pas simplement identifier la scène, mais plutôt tenter de comprendre ce qu'elle portait en termes de signification sensible. Je voulais en voir la densité. J'étais déçue de mes cours d'iconographie anti-Panofskienne uqamienne qui disait qu'il ne fallait plus plaquer son savoir sur les œuvres, mais se laisser empreindre du savoir. A priori, phénoménologue dans l'âme, je suis d'accord. Mais ohé? Avez-vous lu Husserl? Une sensation, même la plus intime qui soit, prend racine dans une panoplie de connaissances. C'est qu'on ne sépare pas l'intellect du corps ici. Ce que l'on sait avec sa tête on le sait avec tout son corps! By the way, on risque pas mal plus de plaquer son savoir si on restreint celui-ci...C'est bien connu, il me semble!
Enfin, j'ai lu la bible, car je me disais que si les gens étaient autant portés par cet art religieux et que parfois même, cet art devenait non pas une représentation, mais une voie de passage, contiguë, avec Dieu, il m'en manquait certainement des bouts. Étrangement, j'ai arrêté de plaquer mon peu de savoir (prétendument suffisant) sur ces tableaux ainsi que sur la question religieuse en elle-même. Plus je lisais sur les religions, car je suis tombée dans le bain des sciences de la religion pour mon mémoire, plus je comprenais qu'il n'y avait rien à "saisir" de l'extérieur. On ne saisit pas ce qui se présente pour quelqu'un comme une révélation. Mais j'ai eu besoin de ces lectures pour gagner cette ouverture d'esprit. Je ne suis pas baptisée et je n'avais sincèrement AUCUNE notion religieuse. Cette chose étrange m'était totalement inconnue, elle ne pouvait même pas me rebuter tant elle était inconnue. Et de toute manière, tout ce qui me rebute m'attire au moins autant que ça me rebute. Mais, bien sûr, j'avais acheté la grosse édition de la bible révisée par tout plein d'auteurs qui la considèrent, d'abord et avant tout, comme une grande œuvre de fiction. Je ne l'ai pas lu comme un "pointeur", une voie de passage, mais bien comme une représentation.
La résurrection, ce n'est pas la vie, c'est la mort qui revient à la vie. C'est l'idée de "se lever une nouvelle fois". C'est bien ça l'effet de présence. Ce n'est pas la présence, mais la manifestation de l'absence et, en quelque part, ça relève d'une croyance : celle de la présence. Je m'intéresse à ce phénomène. Les philosophes récents tentent tant bien que mal de faire disparaître le fondement métaphysique d'une large part de la philosophie. Mais il persiste malgré tout, ce fondement métaphysique! Pourquoi? La réponse commune "parce que l'humain a besoin de sentir que blah blah blah...(une fin, une solidité...etc.)" est lassante. Oui, et bien dans ce cas, la vraie question est : "pourquoi l'humain a besoin de sentir une présence?" À ce que je sache, personne ne peut répondre à cela! Expliquer les choses par la cause du besoin, c'est vraiment nul. La présence, c'est l'évidence et l'esprit analytique n'aime pas les trop fortes évidences. Mais y a-t-il vraiment un intellectuel qui ne vit pas régulièrement des révélations?
Pâques, donc, la fête de l'effet de présence? Joyeuses Pâques ;)