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Barack Obama lance désormais sur le site de la Maison Blanche une vidéo sur le résumé de la semaine écoulée (voir vidéo ci-dessous).
La semaine écoulée a été "écrasée" par la rencontre entre Barack Obama et Nicolas Sarkozy.
Il est naturel de s'interroger sur le point de savoir si une campagne comme celle de "Barack Obama" serait possible en France ?
Le phénomène Barack Obama n'a été possible aux Etats-Unis que grâce à des facteurs a priori difficilement transposables en France.
La première différence réside dans la conception même des partis politiques. Aux Etats-Unis, chaque parti est la structure garante de la bonne organisation de la compétition. Il ne devient un outil à la disposition du candidat qu'une fois celui-ci officiellement désigné. La culture de "bonne gestion d'un parti" veut que l'intérêt du parti conduise à la désignation du meilleur candidat. Le responsable du parti est dans une logique de "chairman" qui défend les intérêts du parti et non pas les intérêts d'un candidat. Cette culture est une différence majeure entre les Etats-Unis et la France.
Si le parti était acquis à la candidature d'un candidat, la compétition serait faussée. En France, le parti est acquis à la cause d'un candidat. La compétition est un signe extérieur de relations publiques bien davantage qu'une réelle compétition loyale se déroulant au sein d'un parti neutralisé dans l'attente de la désignation de son candidat.
Par cette première différence, un profil "institutionnel" comme celui d'Hillary Clinton aurait pu compter en France sur un appareil politique cassant toute concurrence interne.
La seconde différence réside dans la conduite même de la campagne.
Une primaire Américaine est un retour aux racines. La clef invariable, c'est le candidat qui mouille la chemise en s'enfonçant dans le pays profond.
La télé, Internet … ne changent pas cette réalité culturelle.
Pour l'avoir méconnue, en 2007, Rudolph Giuliani a subi une cuisante défaite. Le statut d'exFirst Lady d'Hillary Clinton, avec le cortège de mesures de sécurité, l'a indiscutablement handicapée en la matière. Pendant ce parcours initiatique, il faut être au coin de la rue à serrer des mains, parler à un petit groupe.
Là encore, bien que de dimension terriblement plus modeste, la politique Française connaît peu cette proximité.
Jacques Chirac a probablement été le dernier candidat à sillonner la France dans chacune des circonscriptions et encore faut-il remonter à sa campagne législative de 1978 et à sa présidentielle de 1981.
Les campagnes ultérieures ont témoigné une moindre densité de présence sur le terrain.
Cette présence sur le terrain permet de "labourer sans intermédiaire" et d'offrir l'impact direct de la diversité. Les médias sont alors une caisse de résonance.
C'est ainsi que le courant Obama s'est créé. Le visionnage des reportages d'alors est très instructif. Les journalistes évoquaient le "tour de piste" avant la prochaine présidentielle de 2012, l'isolement, l'inexpérience …
La troisième différence tient aux méthodes de financement et de marketing public.
En France, tout est verrouillé alors qu'aux Etats-Unis presque tout est possible. L'absence de publicité politique à la télévision est un terrible goulet d'étranglement.
En dehors d'émissions spécialisées ou des informations "classiques", aucune communication n'est possible en France.
Aucun comité exploratoire ne permet de collecter des fonds. Il faudrait créer un parti politique mais, là aussi, l'inégalité des moyens serait considérable entre le "candidat du parti classique" et les autres. En effet, le financement public transforme chaque parti en "trésor de guerre".
Ces trois repères montrent l'immensité des défis.
Une présidentielle Américaine, c'est en effet d'abord un voyage dans l'Amérique profonde pour rencontrer les citoyens dans un contact direct, physique, charnel.
Lors de la présidentielle, le citoyen devient un acteur très impliqué dans le processus de décision.
Dans ce contexte, intervient un second volet qui est celui du changement. Chaque présidentielle se joue sur ce thème depuis le "New Deal" de Roosevelt à "América is back" de Reagan en passant par la "Nouvelle frontière" de Kennedy ou la moins célèbre "Grande Société" de Johnson.
La présidentielle est le révélateur et l'accélérateur du changement.
Ce sont ces deux critères qui ont rendu possible une percée comme celle de Barack Obama et qui la rendent difficile voire impossible en France.
Là où le candidat Américain doit être le candidat du peuple, le candidat Français est d'abord celui de la "puissance publique".
La représentation du peuple semble réservée en France à des candidats protestataires, marginaux.
Parce qu'il est le représentant de la puissance publique, le candidat Français a dû vivre un long parcours d'exercice de responsabilités publiques. Ce parcours est une barrière structurante à l'éclosion immédiate de nouveaux talents. La vie politique Française suppose de s'endurcir sous le joug de l'expérience des responsabilités.
Seconde différence, une présidentielle Française n'est pas un voyage pour rencontrer les citoyens "au coin de la rue". Elle reste d'abord une relation avec des corps intermédiaires très bien organisés.
La "rencontre" avec les citoyens intervient soit lors de grands meetings qui ne permettent pas des contacts directs soit lors d'émissions télévisées qui reposent sur des échantillons filtrés avec une expression encadrée par des considérations formelles très contraignantes.
Enfin, l'ambiance n'est pas à l'optimisme du neuf mais à la défense des "droits acquis".
Pour toutes ces raisons, ce sont donc deux cultures totalement différentes, pour ne pas dire opposées, qui interviennent.
La France peut s'enthousiasmer pour Obama mais son cadre institutionnel comme sa culture politique ne permettent probablement pas un tel parcours sur son sol.
Traditionnellement, les Américains votent pour une destinée, pour un spectacle, pour un gagnant.
La destinée, c'est l'assurance que le rêve est possible pour chacun.
Le spectacle, c'est le morceau d‘Histoire raconté par un cursus et par le sens perçu de la campagne.
Le gagnant, c'est celui qui devient d'abord le maître du temps de la campagne, qui pousse l'autre à la faute, qui réagit plus vite, qui incarne l'énergie qui doit donner demain une espérance pour chacun.
Sous cet angle, Barack Obama a remporté la présidentielle 2008 tant il a incarné ces valeurs essentielles.
Il a incarné le souffle du changement, celui de la rupture, du nouveau départ.
La vie politique Française est à ce jour entièrement verrouillée.
Les partis politiques ne sont pas des lieux de débats.
En dehors des partis politiques, les associations n'ont pas les moyens juridiques pour conduire des actions politiques comme le montrent les difficultés de Ségolène Royal au sujet du financement de "désirs d'avenir".
Les médias locaux ne connaissent plus aucun pluralisme.
Les nouvelles technologies pénètrent progressivement toutes les couches d'âges ou sociales mais il reste encore beaucoup de progrès à faire.
On est loin de la possible transposition pure et simple de la campagne de B. Obama.