" Chaque rose est mue par une intentionnalité : le désir de tendre vers. La rose, l'arbre, etc, sont habités par cela. Et à plus forte raison l'homme. Oui, l'univers n'est pas obligé d'être beau, mais il se révèle beau. Comme si là aussi c'était habité. Je ne parle pas de Dieu. Il y a un univers crée qui s'est donné là, comme nous nous avons été donnés là, et qui ne vient pas de nous. Un jour, dans son humble logis, un homme en plein désarroi, le mystique flamand Jacob Boehme, aperçoit un rayon de lumière qui vient se refléter sur un ustensile en étain. L'homme est touché aux larmes, et il ressent comme une illumination : cet univers est un miracle. Un matérialiste aurait explicité physiquement le phénomène. Mais le mystique ressent la chose autrement. Il se demande comment se fait-il qu'il y ait cette terre, et que cette terre soit habitée par des hommes. Il sait que ce sont ces derniers qui ont fabriqué ces beaux ustensiles en étain. Mais il y a aussi cette lumière qui est à l'origine d'une rencontre miraculeuse : elle n'est pas nécessaire, mais elle est là. Elle vient comme à point nommé illuminer l'humble objet, sous le regard ému de l'homme. "
François Cheng, extrait d'entretien, Les Magazine Littéraire n°487, Juin 2009
http://pagesperso-orange.fr/mondalire/Cheng.htm