Magazine

Ma première surboum

Publié le 02 avril 2010 par Desiderio

surboum.jpgMême si je suis d'une humeur de chien aujourd'hui, je vais tenter d'écrire quelque chose. Parmi les couvertures mythiques, j'ai choisi une de Gil Jourdan. Ce n'est pas forcément celle du meilleur album, tout comme je n'ai pas choisi précédemment les meilleures histoires, mais d'abord celles qui peuvent dire quelque chose.

D'abord, il y a les personnages : Gil Jourdan, détective, et surtout Libellule, ancien pickpocket et cambrioleur. Gil Jourdan apparaît comme le personnage d'une pièce totalement au service du bien et de la loi et avec sa mèche roussâtre il semble être une sorte d'avatar de Tintin, de Spirou ou de Ric Hochet. Mais ce qui est très intéressant dans cette série, c'est qu'il ne travaille pas pour rien : il lui faut de l'argent pour mener ses enquêtes ou tout simplement pour vivre. C'est je pense le premier personnage de BD qui pose des questions concrètes sur son mode d'existence. Il encaisse des chèques, il se fait payer des frais, il compte ce qu'il lui reste, et on ne vit pas dans une sorte de rédaction imaginaire : c'est le monde réel qui débarque dans la BD. On a pu dire qu'il était le successeur de la créature précédente de Tillieux : Félix. Soit, mais avec son costume bleu, sa chemise blanche et son imper mastic, il ressemble avant tout à Tintin. Libellule est son capitaine Haddock, pas porté sur la bouteille ou les jurons, mais sur les larcins et les jeux de mots les plus stupides qui soient. On a donc un couple caractéristique de la BD où le héros possède son faire-valoir. C'est une structure typique de la comédie classique.

Puis, il y a le titre. L'histoire paraît en 1962 en revue, en 1963 en album. Nous sommes en pleine vague yéyé et évidemment le mot surboum vient de connaître une grande expansion. La référence est d'époque et c'est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, comme disait le poète (que je ne nommerai pas). Mais ce mot est écrit avec des caractères chahutés, parce qu'il s'agit avant tout d'une vraie surboum où l'on fait sauter des voitures à la dynamite après les avoir volées. La graphie suggère l'explosion. Le titre a autre chose à nous dire : il ressemble par son caractère familier à ceux de la Série Noire ou du Fleuve Noir. Nous n'avons plus affaire à un vague détective sans aucun bureau ou reporter sans aucune rédaction, mais à quelqu'un qui est comme dans les romans pour adultes : c'est du récit policier de type hard-boiled. Avec calembours imbéciles, coups de poing, situations de dèche et méchants qui ne veulent pas conquérir le monde, juste s'enrichir.

Ensuite, il y a la voiture qui apparaît dans le titre et dans l'illustration. C'est pourquoi j'ai retenu cet album. Presque tous les dessinateurs de Spirou étaient des cinglés de bagnoles. Tillieux est mort au volant de sa voiture lorsqu'il revenait du festival d'Angoulème. Il a été l'un des plus grands dessinateurs de voitures qui soient. Cette couverture fait écho à une précédente pour la Voiture immergée. On ne compte pas le nombre de voitures carbonisées, noyées, écrasées dans ces aventures. Les héros sont parvenus à se sauver du piège inattendu des éléments naturels à la suite d'un violent orage, mais ils se retrouvent perdus dans un monde qu'ils ne connaissent pas et où ils auront du mal à se déplacer. Ce qui me semble caractéristique de l'oeuvre de Tillieux comme dessinateur, c'est que la voiture est un personnage à part entière chez lui. Elle est ici au centre de l'image, dans une couleur qui rappelle le bandeau. Elle apparaîtrait comme presque humaine et les acteurs humains sont au second plan.

Enfin, il y a le surtitre : normalement, on parlait des aventures de Bidule. Là, ce sont les enquêtes de Gil Jourdan. Avec une image qui ressemble à une photographie pour CV. Il n'est pas anodin que Gil Jourdan se présente d'emblée par sa carte de visite et la mention "Licencié en droit" dès le premier album Libellule s'évade. C'est à ce moment-là que l'on découvre comment il s'appelle alors qu'il a agi durant plusieurs pages. Cela renvoie à un fait : Gil Jourdan constate et ne s'explique pas. Il n'a aucune intention moralisatrice à la différence des autres héros de BD de la même époque. Il dit juste ce qu'il voit et le mot enquête prend un sens particulier. 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Desiderio 111 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte