C’est fini, on ne passe plus ! Parce que ça commence à suffire, un peu, tout ça, hein ! Ça y est, tous les ventilateurs à air chaud de la place Beauvau se sont mis en route, et la production de petits coups de mentons est en pleine surchauffe : les racailles vont voir ce qu’elles vont voir !
Oui parce que bon, cela va bien, déjà, de transformer des cités en zone de non-droit !
Et puis c’est marre d’avoir du trafic de drogue ! Si on le couple avec le trafic d’armes, cela va trop loin !
En plus, engranger près d’un million d’euros au nez et à la barbe du fisc, c’est scandaleux !
Alors quand en plus, on caillasse des bus et qu’on leur met le feu, le ministre Hortefeux, là, il dit « Ça suffit comme ça ! » et va même plus loin que ce qui n’a jamais été fait avant, et déclare :
«Ce ne sont pas les petites crapules qui vont faire la loi dans les quartiers. Les voyous n’ont pas et ne doivent pas avoir de territoires à eux».
Et on peut le dire, maintenant, la poitrine gonflée de l’importance revigorante d’une telle déclaration : enfin, un geste fort, une déclaration solennelle ! Vraiment, il casse des briques, notre ministre !
Ce qui me gêne, cependant, dans sa déclaration tonitruante à la presse, c’est qu’il est ministre de l’Intérieur depuis près d’un an. Ce qui me gêne aussi, c’est que la situation décrite n’est pas tout à fait nouvelle puisqu’elle existe depuis des années. Et ce qui me gêne encore, c’est qu’une fois le petit coup de mâchoire écarté, il nous reste quoi ? Ceci :
«J’ai demandé au préfet de Seine-Saint-Denis en liaison avec le préfet de police, à tous les élus associés à ce combat et aux bailleurs sociaux qui sont concernés par ces sujets, de mobiliser tous les moyens nécessaires pour que l’ordre et la loi soient respectés.»
Mobiliser tous les moyens nécessaires, ça claque, hein ? Et concrètement, ça fait quoi, exactement ? Parce que lorsque je vais faire les courses pour remplir mon frigo, il s’avère que moi aussi, à mon niveau, je mobilise tous les moyens nécessaires pour y parvenir. Et -ne rigolez pas, c’est une prouesse hebdomadaire – j’y parviens !
Brice, ici, veut donc nous faire croire qu’il entre dans une véritable narco-guerre, en France, et veut faire respecter l’ordre et la loi. Bien.
Il serait plus que temps : déclarer vouloir s’y mettre maintenant, c’est aussi avouer, par contraste, qu’on n’en a pas branlé une cacahouète avant sur le sujet. C’est bête : c’est le job pour lequel il est normalement payé.
Et puis, vouloir se lancer, comme ça, inconsidérément, dans une mission régalienne, c’est dangereux ! On ne s’improvise pas chirurgien et on ne peut pas se greffer une paire de couilles d’occasion sans un minimum de travail préparatoire !
D’autant qu’il va falloir composer avec l’air du temps. Et l’air du temps, actuellement, ne fait pas vraiment dans le retour à la testostérone, mais continue, comme des douzaines d’articles sur ce blog l’ont évoqué récemment, à faire dans la dentelle finement ouvragée d’un Bisounoursland douillet et cotonneux dans lequel toute démonstration de force est immédiatement condamnée par la presse dégoulinante du pays.
Une bataille contre la drogue ? Mais vous n’y pensez pas ! Ce serait menacer une rupture d’approvisionnement pour les scribouillards éthérés qui nous abreuvent de leurs articles finement utopiques aux accents délicieusement sociaux-cocoonant !
…
Vous trouvez que j’exagère ? Bah. Il suffit de prendre un article comme celui-là, intitulé « Questions » avec une certaine truculence je dois dire, pour comprendre que le retour du bon sens n’est pas pour demain, ni même après-demain. Je pourrai reprendre le notule phrase à phrase, mais je vais me contenter de citer ceci :
Un reportage sur le trafic de drogue en banlieue sur TF1, un raid policier, un bus caillassé et incendié dans une ville sous tension. La séquence des faits qui se sont déroulés à Tremblay-en-France depuis trois jours amène à se poser quelques questions. Quelle est la responsabilité de la presse dans cette affaire ? Le maire de Tremblay, François Asensi, parle d’un «guet-apens organisé en réaction à l’intervention de la police et au reportage de TF1». Les habitants, pour certains, considèrent que l’émission a mis – littéralement – le feu aux poudres.
Moui moui : comme il y a eu un méchant reportage de TF1, que celui-ci a, de toute évidence (?), déclenché une vilaine intervention policière, et que cette dernière a ruiné le petit commerce d’une coterie d’entrepreneurs audacieux, pourquoi ne pas se dire que si, finalement, TF1 nous avait parlé poterie ou macramé, ce soir là, tout ceci ne serait pas arrivé ?
Je me demande dans quelle mesure la première intervention musclée dont veut s’enorgueillir le petit Brice avec sa nouvelle paire de balloches ne devrait pas concerner d’abord les folliculaires et autres accoucheurs d’opinions de cette trempe : à l’agression intellectuelle caractéristique que constitue cet n-ième étron journalistique devrait correspondre une bonne grosse tarte dans la figure, avec, ensuite, l’obligation pour ce même folliculaire d’aller vivre quelques mois dans une cité de référence, histoire que lorsqu’il revienne – s’il en revient – il puisse se poser réellement les bonnes questions.
« La presse n’aurait-elle pas une responsabilité dans les exactions contre les bus de Tremblay« , c’est en une seule phrase un résumé balistique possible du problème français : absence de mise en perspective, hiérarchisation totalement farfelue des problèmes, narcissisme professionnel, mollassonnerie intellectuelle poussée au rang de discipline de travail.
Oui, la presse a une responsabilité claire dans ces affaires, celle de ne pas, clairement, rappeler les évidences : ce sont, d’abord, avant tout et quasi-exclusivement les personnes qui foutent le feu à un bus qui sont responsables de la dégradation. Ce sont les hors-la-loi qui doivent être punis, ce sont les forces de l’ordre qui doivent être soutenues.
Entre un ministre offensif comme un paquet de chamallows trop chauffés et une presse aux curseurs moraux et intellectuels calibrés par des Télétubbies sous Prozac, on devine que les prochaines actions policières vont devoir ramer frénétiquement contre un violent courant de face.
Presse à l’ouest, politiciens en déroute : ce pays est foutu.