Le manga « à la française » était au centre d’une discussion samedi au Salon du livre. Il était question de dégager les « orientations éditoriales et succès des manga à la française ou européenne ». Ce débat proposé par Animeland était animé par Violetta Vasic et les invités étaient Miya (mangaka française, auteure de Vis-à-Vis), Pierre Valls (directeur de publication chez Pika) et Patrick Abry (éditeur chez Xiao Pan).
Dans cette conférence les invités ont discuté de la difficulté à promouvoir des œuvres dans le style manga mais qui ne sont pas japonaises. Patrick Abry a évoqué « une sorte de monopole de qualité et de style japonais » et selon lui « c’est compliqué de faire rentrer quelque chose dans ce carcan ».
On trouve tout de même des auteurs français qui tirent leur épingle du jeu, un peu comme Miya qui travaille actuellement sur le troisième tome de Vis-à-vis pour une sortie prévue lors de la Japan Expo. L’auteur a expliqué que pour elle créer des BD dans le genre manga était une évidence, car elle est une fan de manga. Pour elle c’était plus facile et plus naturel de s’exprimer dans un format manga que dans un format BD. Un point qu’elle évoquait déjà avec nous l’année dernière.
Pour Pika, cela a été un véritable challenge de lancer des manga français. Le plus dur étant de tenter de se mettre au niveau des Japonais. Il n’est bien sûr pas question de soutenir le même rythme qu’au Japon. En France, il faut compter à peu près 1 an pour chaque tome. Cela tient au fait que la manière française de travailler est différente. Il n’y a pas la même structure autour des auteurs, ils n’ont par exemple pas d’assistants. Et l’éditeur est un peu moins intrusif dans le processus narratif. Dans le cas de Miya par exemple, Pierre Valls est intervenu sur le premier tome pour l’aider sur des questions de temps de la narration ou de rythme mais plus par la suite. Le principe étant d’aider les auteurs s’ils en ont besoin.
Concernant la ligne éditoriale, Pierre Valls a indiqué qu’il attendait des auteurs français qu’ils intègrent des thèmes et des codes culturels français ou européens. Ceci afin de se différencier de la production japonaise et d’apporter quelque chose de plus proche aux lecteurs. Il regrette donc qu’une grande partie des dossiers de demande de publication (qu’il reçoit en grand nombre) manquent un peu de variété et se cantonnent souvent à l’Héroïc-fantasy.
En ce qui concerne Xiao Pan, le problème est tout autre. Il ne s’agit pas de manga français (ou manfra pour faire court) mais de manhua (les manga chinois). L’éditeur publie ces titres en France mais en vend aussi certains dans l’Europe. Là encore, il y a de grandes différences avec le manga made in Japan. Depuis quelques années, l’éditeur suivant les préférences du lectorat a opté pour des titres tout en couleurs. Quant à la création, il y a aussi tout un travail de fond avec les auteurs. Il faut savoir qu’en Chine, la grande majorité des dessinateurs ne vivant pas de la BD. De plus, le réseau de distribution n’est pas aussi élaboré qu’en France et les écoles de dessin ne sont pas nombreuses.