L’utilisation d’un véhicule octroyé par l’employeur en raison d’un contrat de travail qui se trouve suspendu est pour le moins paradoxale, la cause de l’obligation faisant alors vraisemblablement défaut.
Pourtant, dans un arrêt du 24 mars 2010, la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel de Colmar ayant attribué à une salariée une indemnisation pour compenser le préjudice subi par la reprise de sa voiture de fonction pendant la suspension de son contrat de travail, en l’espèce successivement pour arrêt maladie puis pour congé maternité.
Au vu de la durée que peut représenter le cumul de différentes causes de suspension du contrat de travail (arrêt maladie, congé maternité, congé paternité, congé parental d’éducation …), je vous laisse le soin de calculer le temps et donc le coût exorbitant que cette mise à disposition peut engendrer pour une entreprise.
Et pourtant, il ne s’agit pas d’un poisson d’avril !
La chambre sociale a même progressivement développé une véritable jurisprudence en ce sens. Un arrêt du 8 décembre 1993 a affirmé que la couverture par la police d’assurance d’une utilisation professionnelle et personnelle du véhicule implique que la résiliation ne peut pas intervenir avant la fin du délai-congé. Dans une décision du 25 octobre 2007, les magistrats ont considéré que la privation d’un véhicule de fonction pendant la période de préavis doit être indemnisée.
En réalité, passée la réaction épidermique d’étonnement, le raisonnement des juges est imparable : la voiture de fonction, que le salarié peut utiliser pour ses déplacements personnels, constitue par essence un avantage en nature. Elle fait donc partie intégrante de la rémunération de celui-ci, que l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement. CQFD.
Rassurons dès à présent les employeurs qui mettent des voitures à disposition de leurs salariés :
- Par opposition aux voitures de fonction, ils peuvent mettre à disposition des voitures de service, c’est-à-dire des voitures dont l’utilisation est strictement limitée à un usage professionnel. La souscription d’une assurance limitée aux déplacements professionnels est, à cet égard, un critère dont la jurisprudence semble tenir compte ;
- Même quand il s’agit d’un véhicule de fonction, la Cour de cassation autorise expressément une dérogation conventionnelle au principe qu’elle a édicté. Ainsi, le contrat de travail ou une convention collective peuvent stipuler que l’utilisation de la voiture de fonction est proscrite en cas de suspension du contrat. En ce cas, il faudra bien veiller à ne pas traiter différemment les cas de suspension, au risque de commettre une discrimination.
Deux voies qui, gageons-le, permettront d’empêcher les salariés d’aller à la pêche … au poisson d’avril !