26 - 11
2007
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Denis Lavant est le Capitaine Achab
Libre adaptation de Moby Dick, comme on dit… Bien qu’il y ait une volonté affichée de moderniser l’entreprise, il ne faut pas s’attendre pour autant à une adaptation contemporaine ni même moderne du roman de Melville. Sauf le premier plan d’un sexe de femme, puis d’un long corps blanc dévoilé petit à petit par la caméra, celui d’une épouse morte, celui de la mère d’Achab, qui donne un ton entre réalisme et poésie qu’on retrouvera quelquefois par la suite. Car le film, bien qu’il s’en défende, ressemble beaucoup aux contes d’autrefois, on est lentement bercé par le récit monocorde (voix off tout le long du film) et les images léchées et nettes composées comme des tableaux.
Après la mort de sa mère, le petit Achab (prononcer Akab) est pris en charge par son père, un homme rustre et coléreux, peu rodé à l’éducation des enfants, plus enclin à ses plaisirs, la chasse et les femmes, qu’à s’occuper de son fils. Ainsi, s’amourachant d’une jeunette, Louise, le père en viendra à se faire tuer par son rival, le peintre. Le jeune Achab est fasciné par la belle Louise, seule femme à porter des pantalons et les cheveux lâchés, libre et infidèle. Pourtant, à la mort de son père, il est encore déménagé, envoyé contre son gré chez sa tante. Louise lui donne alors un médaillon avec sa photo dont il ne se séparera plus comme de la bible paternelle. Il en arrivera même, adulte, à dire que cette photo est celle de sa mère.
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Hande Kodja et Virgil Leclaire
© Sophie Dulac Distribution Galerie complète sur AlloCiné
Chez Rose, la tante sage d’Achab, on se lève tôt et on dit des prières, la maison bien rangée telle le chignon de la tante. Tout comme le père était préoccupé de Louise, la tante Rose s’entiche de Henry (Philippe Katherine), un bellâtre mi-dandy mi-coincé, qui l’éveille aux plaisirs de la chair et l’épouse pour son argent. Le couple est embarrassé par la présence d’Achab qui multiplie les comportements délinquants, tuant sauvagement, par exemple, un pauvre chien, pour faire croire à sa mort et s’échapper de la maison.
Le film comporte donc 5 parties toutes racontées en voix off par les protagonistes, les témoins de ces mini-histoires indépendantes les unes des autres avec un début et une fin. Après le père, la tante Rose et le pasteur Mulligan, on retrouve Achab adulte (Denis Lavant), capitaine baleinier, craint et respecté. Achab, devenu un tueur sanguinaire sans pitié, une sorte de monstre solitaire, poursuit de sa vengeance suicidaire de la baleine blanche qui lui a arraché une jambe, sacrifiant son ultime équipage. Dans l’intervalle, il est soigné et aimé par Anna (Dominique Blanc), une femme entre deux âges dans le genre de la tante Rose, qui va le recueillir sur l’île de Nantucket après son accident.
Le réalisateur a inventé une vie au capitaine Achab, avec un parti pris : ce n’est plus Moby Dick, la baleine, le personnage central, mais Achab, l’homme. Les symboles de la naissance (premier plan du sexe de la mère morte, sans jeux de mots !) et de la mort avec le retour aux éléments (la mer) sont simples. Contrairement au livre, Achab n’est pas né au bord de l'océan, il vient de la campagne et découvrira la mer ensuite. La vie d’Achab n’est qu’une succession de familles d’accueil qui auront toutes du temps compté à lui consacrer, souvent seuls quand Achab arrive dans leurs vie. Eternellement balloté, Achab est néanmoins aimé et rejeté ensuite pour un tiers, la mort pour la mère, Louise pour le père, Henry pour la tante Rose. Devenu adulte, c’est lui qui abandonnera Anna pour s’offrir en pâture à Moby Dick, la baleine blanche menaçante et fascinante, représentant le continent blanc féminin qui l’a mutilé, dévoré.
Difficile de donner un avis objectif sur ce film auquel on n’a rien à reprocher mais où on s’ennuie quand même pas mal. Travail d’orfèvre sur les plans, interprétation impeccable et casting original (le brillant Denis Lavant trop peu employé, l’idée du dandy Philippe Katerine, la toujours parfaite Dominique Blanc), il manque sans doute un peu de fantaisie, d’inventivité, de désordre, bien que le film ne suive pas le livre ou peu, on a l’impression de tourner les pages…
Ce film sera en compétition lors des Rencontres internationales du cinéma à Paris du 28 novembre au 4 décembre 2007. Lire le programme...
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Mots-clés : avant-Premières, cinéactuel, cinéma français, Capitaine Achab, Philippe Ramos
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 04 décembre à 14:59
Sachez que l'objectivité n'existe pas. Et que chaque spectateur est résponsable de son propre ennui.