Il y aurait à distinguer trois catégories du rythme :
le rythme linguistique, propre à
chaque langue ; les rythmes rhétoriques
et culturels, rythmes d’époque (la ″période″, en France, au XVIIe siècle, et la
phrase courte en prose, de Voltaire, entre autres, au XVIIIe, par exemple) ; puis les
rythmes qu’on ne saurait appeler autrement, il semble, que poétiques, non parce qu’ils seraient en vers, mais parce qu’ils
sont propres à une œuvre, et partie constitutive de ce qui fait qu’on la
reconnaît entre toutes, vers ou prose.
C’est ici qu’il y a à situer la poétique. Dans le mesure où elle est particulièrement
le travail pour reconnaître ce que fait
une œuvre littéraire, et comment elle
le fait, ce que fait chaque œuvre et qu’elle est seule à faire. A partir de
quoi la poétique est la réflexion générale sur ce qu’on appelle la littérature,
la poésie. Et peut diversement être comprise et pratiquée, selon les conceptions
que les uns ou les autres ont de la littérature. On peut y voir l’étude
restreinte d’une œuvre, ou l’étude d’un genre : le roman, le théâtre. Ou
la théorie générale de la littérature.
Mais la question du rythme détermine une conception particulière de la
poétique. Le rythme envisagé comme organisation du discours conduit à une
analyse de toutes les activités du rythme et de toutes ses catégories, et donc
à un réexamen de la représentation commune du langage ; il conduit à ne
plus séparer la théorie de la littérature et la théorie du langage
Henri Meschonnic, Traité du rythme, Dunod,
1998, Nathan, 2003, Armand Colin, 2008, p. 28