L’année 2009 a été marquée par l’attente, dans les contentieux mettant en cause le système d’affichage sur internet de liens promotionnels à partir de mots-clés correspondant à des marques, de la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne aux questions préjudicielles qui lui avaient été posées dans le cadre de plusieurs litiges opposant Google à différents titulaires de droits, notamment Louis Vuitton Malletier. Cette décision tant attendue a été rendue le 23 mars 2010. Verdict.
Google contre Louis Vuitton
Avant toute introspection de cette décision, un flash back sur les questions sur lesquelles la Cour devait se pencher suite au renvoi préjudiciel de la Cour de Cassation du 20 mai 2008 s’impose :
En substance, la Cour Européenne devait déterminer si, en proposant son service «Adwords» à des annonceurs reproduisant ou imitant la marque d’un tiers, GOOGLE a fait, et continue de faire, un usage illicite de celle-ci au sens des articles 5§1, sous a) et b) de la directive n° 89/104 du 21 décembre 1988 et de l’article 9§1, sous a) et b) du règlement n° 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, lesquels sont rédigés de manière identique.
Pour rappel selon l’article 5§1 :
«La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :
- d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
- d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque. »
Par ailleurs, la Cour devait étudier le point de savoir si Google, en tant que prestataire de service de référencement, doit pouvoir bénéficier du régime applicable aux prestataires de stockage ou «hébergeurs» tel que mis en place par la directive 2000/31 du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information.
Pour mémoire, cette directive avait été transposée en droit interne par la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN), et prévoit, dans certaines conditions, une exonération de responsabilité, régulièrement invoquée par Google.
Que répond la Cour ?
Sur l'usage de la marque dans la vie des affaires :
L’annonceur, nul ne peut en contester, fait un usage de la marque dans le contexte de ses activités commerciales et non dans le domaine privé.
Le prestataire du service de référencement, Google, opère bien quant à lui dans «la vie des affaires» lorsqu’il permet aux annonceurs de sélectionner des signes identiques à des marques en tant que mot-clé mais «il n’en découle pas pour autant que ce prestataire fasse lui-même usage» des signes.
En effet, la Cour précise que «l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale». Ce que ne fait pas Google.
Pour le cas où on aurait insisté, la Cour met un point final au débat en affirmant que « cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que ledit prestataire est rémunéré pour l’usage desdits signes par ses clients».
Sur l'applicabilité du régime de responsabilité limitée :
Parce qu’il fallait bien une suite à la saga «Adwords», la Cour de justice de l’Union Européenne, laisse sur ce point le suspens perdurer, mais recadre le sujet.
Ainsi, elle affirme que Google est bien un service de la société de l’information et entre donc dans le domaine d’application de la directive, contrairement à ce que soutenait Vuitton.
Pour bénéficier du régime de responsabilité limitée cependant, elle doit être un prestataire intermédiaire et avoir une activité «purement technique, automatique et passive» impliquant que le prestataire n’ait pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées.
Selon la Cour, «la seule circonstance que le service de référencement soit payant (…) ne saurait avoir pour effet de priver Google des dérogations en matière de responsabilité».
Cependant, doit être pris en compte le rôle joué par Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel ou dans l’établissement ou la sélection des mots-clés.
Sur ce point précis, la Cour s’en remet à la juridiction nationale, qui devra donc déterminer si ce rôle est neutre et si l’activité de Google est bien «purement technique, automatique et passive». A suivre.
Source : JurilexBlog