Publiée le 31 mars dans le quotidien sud africain « The daily monitor »
Le génie génétique est une technologie à la recherche d’un problème ; un produit à la recherche d’un marché. Les lobbyistes de l’industrie du génie génétique proposent un choix terrible à l’Afrique, entre la faim et les cultures d’organismes génétiquement modifié (OGM). C’est un faux débat. La faim peut être évitée sans cultiver et consommer des cultures génétiquement modifiées.
Une agriculture écologique, qui enrichit nos sols, protège la biodiversité et procure à nos familles une alimentation saine et nutritive est la seule façon de résoudre efficacement la très grave crise de la sécurité alimentaire, de la rareté de l’eau et du changement climatique.
L’agriculture écologique est elle une utopie ? Non. Soutenus par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’évaluation agricole des Nations Unies (IAASTD), les bénéfices des systèmes agricoles écologiques sont bien connus et documentés par un groupe important et croissant de scientifiques. Ceux-ci se sont accordés sur les avantages à soutenir les paysans et travailleurs agricoles locaux pour promouvoir des systèmes qui minimisent la dépendance aux intrants externes comme les pesticides et fertilisants artificiels.
La prétendue « révolution verte » nous a conduit à un âge où l’utilisation massive d’engrais, de pesticides et de semences « modifiées » a détruit les sols, détourné les paysans de leur activité et concentré le pouvoir sur la production alimentaire d’une poignée de multinationales agrochimiques. Elle a réduit la diversité et augmenté notre vulnérabilité aux menaces telles que le changement climatique.
Et maintenant, ces mêmes multinationales veulent promouvoir leur dernier produit « technologique », les plantes génétiquement modifiées.
Les cultures génétiquement modifiées actuelles sont très dépendantes de l’utilisation continue de grandes quantités de produits agrochimiques. Elles sont conçues par des multinationales prédatrices prêtes à poursuivre en justice les paysans qui garderaient leurs semences d’une récolte à l’autre. De nombreux gouvernements autorisent les entreprises à breveter les semences, les aidant ainsi à empêcher les paysans de planter les semences de ferme, un droit fondamental qui est la base même de l’existence de millions de petits paysans.
Les multinationales de l’agrochimie font des promesses audacieuses mais infondées à propos de leurs cultures génétiquement modifiées et des méthodes agricoles intensives, mais les plantes OGM ne sont pas la solution pour résoudre le problème de la faim en Afrique, ni dans le reste du monde. Prenons l’Inde, par exemple, qui a suivi le modèle de la révolution verte pendant 5 décennies. La faim y est toujours d’actualité. L’Inde abrite encore quelque 214 millions de personnes qui souffrent de la faim. Le problème de la faim dans le monde de sera pas résolu par l’unique augmentation de la production alimentaire.. Aux Etats-Unis, 49 millions de personnes, dont 17 millions d’enfants, n’ont pas un accès assuré à l’offre alimentaire.
En outre, les scientifiques ont confirmé que les cultures génétiquement modifiées ne produisaient pas nécessairement des rendements plus élevés que les variétés naturelles, selon un rapport intitulé « failure to Yield » publié par l’organisation américaine Union of Concerned Scientists.
Les multinationales de l’agrochimie font également la promotion du “riz jaune”, ou “riz doré”, qui a été génétiquement modifié pour produire de la pro-vitamine A. Mais la même vitamine peut aussi être trouvée dans les légumes-feuilles, les courges et quelques variétés traditionnelles de riz. Alors pourquoi prendre des risques avec l’artifice technologique des OGM en remède à la déficience en vitamine A ? Il est meilleur de promouvoir une alimentation variée basée sur l’agriculture écologique.
L’Afrique peut trouver chez elle tout ce dont elle a besoin pour créer les systèmes agricoles écologiques du 21ème siècle, des systèmes qui signifient moins de faim et pas plus de faim. Des systèmes synonymes d’un environnement plus résilient face au changement climatique. Des systèmes qui permettent aux paysans de garder le contrôle de leurs propres semences. Des systèmes basés sur la souveraineté alimentaire, le droit à une alimentation écologique et culturellement adaptée qui soit suffisamment nutritive, et le droit de déterminer comment elle est produite.