Mais ce qui motive ce papier est d'un ordre plus personnel. Ceci est mon dernier billet sur Ruminances. Je rassure tout de suite ceux qui portent un intérêt à ce blog : il n'est nullement question de dissension ou de conflit d'intérêt ou de personnes dans cette décision.
Au moment où j'écris ces lignes, je suis peiné de devoir mettre un terme à une collaboration qui m'a apporté bonheur et savoir pendant près de deux ans. Qu'il s'agisse de liberté d'expression ou de relations personnelles, j'ai bénéficié, en toute circonstance, d'une autonomie totale dans les sujets traités. Aucun article, aucun commentaire, n'a jamais été biffé des colonnes de ce blog riche d'une équipe soucieuse de la liberté d'expression. Pas facile d'exprimer librement des idées au sein d'une équipe où l'individualité a une telle diversité et affiche une telle force de caractère. Ce pari réussi est un exemple qui me conduit à penser qu'on peut bloguer pour se changer en cherchant à faire avancer le Schmilblick, sans prétention, mais avec sérieux. Quand quelqu'un ne partage pas telle ou telle opinion, on le fait savoir dans le commentaire qui accompagne chaque papier, sans autre volonté que celle du respect et une forme avancée de la fraternité.
Je vis une situation personnelle intenable. Chaque papier que j'écris pour Rumi est un plaisir et un arrachement. Connaissez-vous la signification du mot « radiateur » ? Au pôle emploi, c'est la fonction occupée par le personnel pour la radiation des chômeurs en fin de droit. Un crève-coeur pour les employés qui sont assignés à la besogne. Prochainement - de préférence à l'approche de la présidentielle -, les statistiques claironneront un million de chômeurs en moins à la grande satisfaction des sondages, mais pas des exclus. Ces employés-radiateurs sont tenus, comme dans n'importe quelle multinationale, à l'obligation du résultat et sont soumis à des contrôles de la part de la hiérarchie pour savoir si dans les trois mois ils ont atteints leurs objectifs, soit leur quota de « radiés ». Nous le savons, le Pôle emploi n'est plus là pour vous trouver un job mais pour vous jeter à la rue comme un malpropre. Le nombre de dépressifs croît de manière inquiétante dans les officines du chômage.
J'ai cinquante huit ans et depuis 2 ans je touche tout juste 600 €/mois d'indemnités chômage. J'ai répondu à tous les rendez-vous du Pôle emploi, rédigé des CV, écrit des lettres de motivation. J'ai fait un stage (obligatoire) d'une journée pour apprendre à rédiger une lettre et un CV. C'était folklo ! Plus tard, j'ai fait un stage à Perpète-Lès-Oies pour me mettre en « situation d'entretien ». Entendez par là l'attitude à observer dans le cadre d'un entretien avec un patron qui sollicite vos services (!). Nous étions une vingtaine d'obligés dubitatifs et pendant 2 jours, nous avons fait du théâtre. Il s'agissait de réunir devant un bureau improvisé un chômeur qui jouait le chef d'entreprise convaincant et un futur employé convaincu de ses chances qui se présentait à l'entretien avec un argumentaire en béton. Si vous ignorez le ridicule, croyez-moi, là vous le prenez en pleine poire avec les félicitations du responsable de séance. J'ai claqué la porte au bout de deux heures. Reconvocation quelques jours plus tard au Pôle emploi : « Pourquoi avez-vous fait cela ?… » D'après vous ?… Le gars qui m'a reçu s'est montré magnanime. Il m'a susurré que même si je n'y croyais pas trop (lui non plus) il fallait que je tienne, sous peine…
Je sais qu'il est préférable de tutoyer Barack Obama et d'avoir une Rolex au poignet en mangeant des frites du pays aux States que de savoir comment fonctionne notre pays ! Ou encore : bénéficier des mêmes avantages que les députés au chômage. Consensus sur la question par tous les groupes politiques qui ont voté cette loi en catimini…
Je fais donc partie de ces charrettes de chômeurs indésirables qu'on prive des derniers sentiments de dignité qui leur reste.