LES SEIGNEURS DE LA GUERRE de PETER CHAN

Publié le 31 mars 2010 par Abarguillet

   BANDE ANNONCE


Après la Chine, où le film a raflé toutes les récompenses, Les seigneurs de la guerre de Peter Chan arrive ce mercredi 28 janvier sur les écrans français, précédé d'une réputation qui l'a fait comparer à un tsunami, rien de moins. Fresque historique spectaculaire au coeur de l'empire Mandchou, ce film se déroule durant la seconde moitié du XIXe siècle chinois, aussi riche en bouleversements et en drames que le fut le XVIIIe en France. Mais les thèmes abordés n'en sont pas moins universels : la fraternité d'armes, la fidélité, l'amitié, l'ambition, la trahison, le courage, l'esprit de sacrifice. L'histoire est celle de trois hommes ( un général vaincu qui rêve de vengeance et de deux bandits d'honneur ) qui choisissent d'unir leurs forces et leurs destins dans la lutte armée, malgré ou grâce à une femme, à laquelle le film doit en partie son intérêt et son originalité.

   Xu Jinglei


Moments intimistes et batailles s'y succèdent, en effet, dans un souci constant d'harmonie stylistique et de rythme, ainsi s'inscrit-il dans la tradition des films d'aventures héroïques comme sut les faire Hollywood dans les années 50 et 60. Cela avec des moyens et une esthétique moderne, ce qui rend le spectacle plus grandiose et efficace.
D'autre part, cette fresque a le mérite de réunir les plus grands acteurs et techniciens chinois dont la ravissante  Xu Jinglei et  Jet Li  qu'on a souvent comparé à Bruce Lee. Cet acteur sut se façonner une identité de héros national par le biais des arts martiaux dans lesquels il s'illustra brillamment, remportant quantité de tournois et de médailles. Tant et si bien qu'il s'attira l'attention des producteurs de cinéma et qu'il fut retenu pour jouer le rôle principal dans Temple de Shaolin, véritable triomphe dans toute l'Asie. Dans les années 80, il jouera, à la suite de ce premier succès,  Les Héritiers de Shaolin et  Les arts martiaux de Shaolin  qui confirmeront sa renommée au box-office de son pays. A l'orée des années 90, il devient une super-star en interprétant le légendaire personnage Wong Fei-Hung dans  Il était une fois en Chine  du réalisateur hongkongais Tsui Hark, inaugurant une saga qui ne comptera pas moins de six opus. Puis, il cédera aux chants des sirènes occidentales, signera, coup sur coup, avec Joël Silver et Luc Besson et se commettra dans des films racoleurs et affligeants comme  Roméo doit mourir,  Le baiser mortel du dragon,  En sursis qui n'apporteront rien à son prestige personnel. Heureusement, avec Les seigneurs de la guerre, il semble bien que Jet Li renoue avec le 7e Art chinois et amorce une nouvelle étape dans sa déjà longue carrière. Et son choix apparaît judicieux.


   Jet Li


Entre 1851 et le début des années 1870, près de 50 millions d'hommes et de femmes, de guerriers et d'enfants vont périr. Par les armes, victimes de la guerre, des combats et des exactions qui les accompagnent. Ce chiffre est à la démesure de la Chine. Pour ses habitants, la seconde moitié du XIXe siècle fut à peine moins tragique que la Révolution culturelle. L'explosion de la démographie de l'Empire et une succession de catastrophes naturelles précipitèrent le soulèvement des campagnes et accélérèrent le déclin de la dynastie des Qing, dont le pouvoir, déjà affaibli par de sérieux revers militaires lors de la première guerre de l'Opium contre les puissances occidentales, allait connaître bientôt les derniers soubresauts.
Dans ce contexte prend naissance la révolte de Taiping, une secte syncrétique vaguement inspirée du christianisme, en opposition ouverte au pouvoir mandchou. Emmenés par Hong Xiuquan, leur gourou, 500.000 hommes prennent une partie de la vallée du Yangzi en 1851. En  1853, c'est au tour de Nankin, la plus grande ville de Chine après Pékin, de tomber. Hong Xiuquan y fonde son royaume céleste de la grande paix et en fait sa capitale. C'est ce moment précis de l'histoire où tout bascule et vacille que Peter Chan a choisi de peindre à traits larges et puissants, filmant la lente et difficile reconquête de ces villes perdues. A travers le destin de trois frères d'armes, le réalisateur décrit le dernier salut d'un Empire finissant, la dernière respiration d'une dynastie qui doit affronter le chaos d'une guerre civile et voit ses provinces lointaines se disloquer en un brasier de contestation, tout en maintenant les apparences de son pouvoir grâce à une liturgie fastueuse et millénaire.


  

Avec cette fiction inspirée de faits réels, le cinéaste Peter Chan ne fait rien de moins qu'un travail d'orfèvre historien. La pellicule nous fait traverser les plus beaux paysages steppiques de la Chine, assister à des scènes spectaculaires d'une incontestable grandiloquence, ayant nécessité des milliers de figurants, aux côtés de héros dont les valeurs chevaleresques ne font aucun doute. Le metteur en scène, ayant bénéficié d'un budget de 40 millions de dollars, n'a pas lésiné sur la splendeur des reconstitutions de palais, de costumes, de décors, et ne s'est pas privé de réaliser une fresque historique de grande ampleur, mêlant les passions de la petite histoire aux fracas de la grande, dans la tradition d'un Ang Lee ou d'un Zhang Yimou. Il a aussi pris soin de réunir sur son affiche, outre les deux acteurs cités précédemment, deux autres stars adulées par des milliers de fans en Asie : Andy Lau et Takeshi Kaneshiro.


   Takeshi Kaneshiro


Si Peter Chan reprend la trame principale des Frères de sang de l'illustre Chang Cheh, il sait également s'en émanciper et imposer sa facture personnelle, imprimant à cette oeuvre grandiose sa différence et son identité.
Un film que les amateurs du genre ne doivent manquer sous aucun prétexte.

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