Mohammad Amin Valian, 20 ans, étudiant, condamné à mort...

Publié le 10 mars 2010 par Massinstruction

Le 27 décembre 2009, une cérémonie religieuse chiite célébrant la journée d'Ashoura à Téhéran en Iran s'est transformée en manifestation de l'opposition contre le président Ahmadinejad. Celle-ci a tourné à l'affrontement entre manifestants et forces de l'ordre.

Muhammad Amin Valian, un étudiant de 20 ans y a pris part et s'est rendu coupable de jets de pierre sur la police. Il est donc arrêté comme des milliers d'autres personnes ce jour là.

Pour ces troubles causés, le jeune homme est condamné à la peine de mort, peine confirmée en appel le 03 mars 2010. Il est accusé d'être un « moharebeh » , c'est à dire un ennemi de Dieu, ce qui est puni de mort par la Charia (Loi islamique) en Iran. Avant lui, d'autres manifestants ont déjà été pendus en janvier de cette année.

Une pétition circule sur l'internet afin de le faire acquitter. Un groupe facebook regroupant pour l'heure timidement un peu plus d'un millier et demi de personnes a également été formé pour le soutenir.

L'ONU (Organisation des Nations Unis) a déjà condamné en octobre 2009 l'exécution d'un mineur sur le sol iranien, invitant par la même à ce que l'état « modifie sa loi et sa pratique ».

Muhammad Amin Valian lui attend maintenant dans le couloir de la mort le jour où il sera pendu.

Mais en 2010, l'Iran n'est pas le seul pays à encore condamner à mort. Amnesty International recense en effet 58 pays non-abolitionniste (Afghanistan, Chine, Cuba, Corée du Nord...) pratiquant la peine de mort contre 139 états où la peine capitale a été abolie soit dans le droit (France, Philippines, Nouvelle-Zélande, Rwanda, Honduras...), soit dans la pratique (Algérie, Cameroun, Corée du Sud, Maroc...). Une grande avancée puisque dans les années 80, deux-tiers des Etats à travers le monde pratiquaient la peine de mort contre un-tiers qui l'avait abolie et qu'aujourd'hui la proportion est inversée.

Sur son site, Amnesty International rappelle que « La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée par l’assemblée générale des Nations unies en décembre 1948, reconnaît le droit à la vie pour tous les êtres humains. De plus, son article 5 dispose de manière catégorique que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Amnesty International considère que la peine capitale viole ces droits. »

Pourtant, 8864 condamnations à mort au moins auront été prononcées à travers le monde en 2008, et l'on aura procédé à 2390 exécutions au nom de la Justice.

Et l'on peut s'interroger sur la moralité et l'utilité de cette pratique.

Sur l'utilité car elle coûte chère (Plus que la peine à perpétuité, du moins aux États-Unis), et qu'elle n'est pas dissuasive. Prenons l'exemple des meurtres. On pourrait les classer en plusieurs catégories :

  • Passionnels, et là le facteur émotionnel étant en jeu, il y a peu de chance que la raison et la peur de la peine capitale l'emportent.

  • Criminels, dans le cas de règlements de comptes entre malfrats ou autres, et là la notion de risquer sa vie est déjà acceptée.

  • Accidentels, suite à une ingestion d'alcool ou de stupéfiants qui entraîneraient un changement de repères ou de perception, ou simplement à cause d'une bagarre qui tourne mal. Il n'y a donc pas intention de donner la mort. Difficile alors de dissuader quelqu'un de commettre un acte qu'il n'a pas l'intention de commettre.

  • Maladifs, pour les psychopathes ou autres personnes souffrant de troubles mentaux ou de pulsions incontrôlées. Dans ce cas, là aussi la raison aurait peu d'emprise, si tant est qu'elle puisse en avoir.

« Ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles là, sont nobles ». Robert Badinter, devant l'Assemblée Nationale le 17 septembre 1981.


De plus, où est l'utilité dans la mort d'un homme? N'est-il pas plus utile qu'il reste vivant après avoir fait amende honorable quand cela est possible? Je prendrais l'exemple de Stanley Tookie Williams. Membre fondateur du gang des Crips aux côtés de Raymond Washington, il est condamné à mort en 1981 pour quatre homicides. De longues années passées dans le couloir de la mort le conduiront à militer contre les gangs, pour la paix et la non-violence à partir de 1990. En 1997, avec l'aide de Barbara Cottman Becnel, il publie 6 livres à propos des gangs à destination des plus jeunes (Comme Gangs and violence, Gangs and drugs ou encore Gangs and self-esteem). Son combat aura donc était plus utile que son exécution, et peut-être que cette lutte aurait pu avoir plus d'impact s'il avait pu la continuer au lieu qu'elle ne soit stoppée nette par une injection létale le 13 décembre 2005.

Sur la moralité car elle interroge sur le pouvoir de décider de la vie ou de la mort d'un être humain quel qu'il soit. Car s'il est très probable que pour beaucoup elle peut se justifier pour punir un violeur ou un meurtrier, que pensent les athées de cette pratique lorsqu'il s'agit de crimes religieux, qui pour les croyants peuvent être des crimes plus importants encore qu'un meurtre ou un viol? Et que pensent les défenseurs de la démocratie des crimes de lèse-majesté, qui pour les sujets d'un monarque et lui-même, méritent des châtiments pire que pour un meurtre ou un viol ?

On comprendra bien donc que l'application de la peine de mort est donc tout à fait subjective. Comme toute condamnation me dira-t'on. Peut-être, sauf qu'en l'occurrence, la vie d'êtres humains est ici en jeu.

De plus, les progrès de la science et particulièrement de la médecine ont démontré que les viols ou les meurtres pouvaient provenir de troubles mentaux ou physiques, donc médicaux. Faudrait-il alors exécuter tous ceux qui ne sont pas « normaux » ? Ou serait-il préférable d'accompagner ces personnes et de les soigner ? Au pire, de les neutraliser, comme au Canada avec la castration chimique pour les violeurs, ou comme un peu partout, avec la prison à perpétuité pour les personnes les plus dangereuses.

Enfin, l'on pourra s'insurger devant l'inhumanité de la peine de mort. Victor Hugo dans «le dernier jour d'un condamné » et plus tard Albert Camus avec « l'étranger », montrent la cruauté de la peine capitale. Et là, sans parler de condamnés innocents comme cela arrive encore parfois à notre époque (Je recommande aussi de voir le film « la vie de David Gale » à propos de la peine de mort aux États-Unis).


Plus jeune, je pensais que la peine de mort était une solution. Et un jour, j'ai entendu quelqu'un qui y était opposé dont malheureusement j'ai oublié le nom dire à peu près dans ces mots :

« Bien sûr, si demain quelqu'un tuait ma femme ou la violait, je voudrais le torturer ou le tuer. Mais ce serait à la Justice d'arrêter mon bras. » Ce jour là, j'ai compris que Justice n'était pas synonyme de Vengeance.