LE PAYSAGE PAR TOUS LES SENS
Congrès national des sociétés
historiques et scientifiques
135e congrès, NEUCHÂTEL, 2010
PROGRAMME
Séance du 09/04/2010 - 09:00
Président : Mme Marie-Barbara LE GONIDEC, chargée du département de la musique et de la parole au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (ancien Musée des arts et traditions populaires)
Le 09/04/2010 - 09:00
Communication : Donner la voix. Une anthropologie sonore de la voix haute dans les Quartiers Espagnols à Naples L’ethnologie des environnements sonores d’un quartier populaire de Naples, les Quartiers Espagnols, nous montre que le sonore ne peut être isolé des autres composantes sociales et perceptives. En confrontant les actes de voix haute et certaines manières d’habiter la rue (postures, aménagements, appropriations...), l’environnement vocal se révèle inséré dans ce qui, au quotidien, constitue la vie sociale. Les interactions verbales construisent des espaces de sociabilité au même titre que le façonnage de l’habitat et répondent au processus de porosité sonore et visuel caractérisant les relations admises entre habitants. Les « manières de faire » (Certeau, 1990) et d’être sonore en société, dont la voix haute est un mode privilégié, participent de la dimension dynamique du quartier (Mayol, 1994). En rejoignant la position de T. Ingold (2008) pour qui il s’agit principalement d’ « entendre dans », la participation de l’habitant en tant qu’acteur des environnements sonores questionne la notion de paysage sonore au sens où l’immersion autorise la construction collective de la vie quotidienne.
M. Olivier FERAUD , doctorant en anthropologie sociale et ethnologie à l'EHESS, artiste sonore, musicien et luthier
Le 09/04/2010 - 09:00
Un espace sculpté par le son : les "bandas", les villages, les rues
Dans l’île de Malte, la musique occupe un rôle central dans la vie collective, notamment lors des nombreuses fêtes qui se déroulent chaque année en été. A cette occasion, un grand nombre de villages organisent leurs propres fêtes et rendent hommage à leur saint patron par des célébrations, des processions et des feux d’artifice. Cependant, aucune fête ne serait réussie sans la musique, tout particulièrement, sans la fanfare locale, appelée "banda". Les "bandas", souvent plusieurs à la fois, soutiennent la fête pendant toute sa durée, en jouant et en parcourant les rues du village, des heures et des jours de suite. Ainsi, une grande sonorité envahit le village les jours de la fête, en créant des « nuages » de sons, une sorte de son envahissant et global que l’on serait tenté d’appeler « confusion ». Mais, loin d’être confuse, cette musique, en emplissant l’environnement, obéit à des règles précises et s’organise autour d’une forme sonore distincte qui peu à peu émerge et s’impose. Objet de perception d’abord, elle devient outil de diffusions spatialisées. En effet, c’est en se diffusant qu’elle construit des « paysages sonores » et produit des espaces clos, des mémoires, des territoires et des appartenances. Elle devient l’enjeu autour duquel toute la communauté villageoise se retrouve et se partage dans un jeu de « dedans » et de « dehors », d’ « ici » et de « là-bas ». De ce fait, elle s’avère fédératrice et porteuse d’une dimension sociale et historique. En quoi la musique des bandas est-elle révélatrice de la relation des villageois avec leur environnement ? Comment cette musique façonne-t-elle le paysage sonore, environnemental et social ? De quelle façon participe-t-elle à la création d’un imaginaire géographique local ? Et enfin, comment le paysage sonore créé par les "bandas" peut-il trouver une nouvelle place dans les sciences humaines ?Mme Giovanna IACOVAZZI , docteur en ethnomusicologie, chercheuse associée à PLM-SEEM-PS (Centre de recherche Patrimoine et langages musicaux)
Le 09/04/2010 - 09:00
Communication : Du paysage sonore pour un paysage citoyen Bien que le paysage sonore soit largement reconnu, il reste trop souvent inféodé par le visuel jugé plus objectif. Pour se libérer de cette vision, parcourons le métro toulousain, un lieu, semble-t-il, plus propice à une écoute qu’à un regard périphérique. Nous établirons ainsi la diversité des sons : sons-signaux qui guident le voyageur, sons créés par les usagers eux-mêmes, sons-patrimoines par l’instauration de l’occitan dans l’annonce des stations... Nous insisterons sur ce dernier aspect pour démontrer en quoi la version bilingue dépasse le simple fait identitaire pour s’inscrire dans une dimension citoyenne transformant ce fameux métro toulousain en un paysage sensé et sensible. Enfin, après avoir revisité ce paysage quotidien et complètement artificiel, l’auditeur sera invité à s’ouvrir vers l’extérieur. En effet, après avoir (re)découvert la richesse étonnante d’un paysage sonore souterrain, qui ne saurait se demander tout ce qui peut s’entendre à ciel ouvert ?
Mme Sandra GUERRAOUI , étudiante en environnement et paysage (UFR Géographie-Aménagement) à l'Université de Toulouse-Le Mirail
09/04/2010 - 09:00
Communication : Le paysage sonore pénitentiaire En tant que lieu clos, la prison est un milieu qui génère des productions sonores auxquelles il est difficile d'échapper. A l'intérieur d'un univers où la vue est limitée, le son est une composante déterminante de la vie de l'établissement. La matière sonore est un phénomène incontournable de la prison, en terme à la fois de territorialité et d'information. Les personnels comme les détenus sont exposés au paysage sonore de la prison : chaque micro-territoire (cellule, coursive..) génère son paysage sonore, le son devient à la fois une frontière, et l'élément intrusif permettant de la transgresser. De cet enjeu territorial découle une logique d'appropriation : la prison est un univers bruyant dont les acteurs, tout en s'en estimant victimes, doivent se rendre maîtres pour lui donner du sens. L'enjeu est de transformer le « son-subi » en « son-information », en soulignant l'importance des rituels sonores et des cadences, et la possibilité de compensation sensorielle et de décryptage.
M. Philippe CLAERHOUT , adjoint au cher de cabinet chargé de mission qualité à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire
M. François CLAERHOUT
Séance du 09/04/2010 - 14:00
Président : M. Joël CANDAU, professeur des universités Le 09/04/2010 - 14:00
Communication : Réflexions d’un promeneur-écoutant sur les sons du pastoralisme ovin dans le sud de la France Peu étudiée par les ethnologues du pastoralisme, la dimension sonore est un des faits majeurs du métier de berger transhumant, empreint d’une forte culture du son, de la voix et de l’écoute. En transhumance et en alpage, l’environnement sonore spécifique produit par les sons liés aux troupeaux est emblématique de cette activité constituée d’un ensemble de techniques discrètes, dont la ritournelle des cloches et les huchements des bergers, nécessaires à la bonne gestion du troupeau. Le son joue un important rôle domesticatoire dans la relation homme-animal-territoire. Compétence sensorielle essentielle, l’écoute est indispensable à l’observation du comportement des brebis. La combinaison des sonnailles, déterminée par les bergers, donne à chaque troupeau une signature sonore à but utilitaire, esthétique et ostentatoire. Objets de désir et de fascination, les sonnailles figurent dans tous les « petits musées » constitués par nos informateurs. En elles se cristallise toute une histoire. Dans son exposition permanente "Les gens de l’Alpe", le Musée dauphinois expose (et propose au public de jouer) deux ensembles de sonnailles de troupeau d’ovins et de cloches de vaches. Preuve que le son a une place essentielle en tant que patrimoine et élément majeur des paysages de la transhumance provençale-alpine.
M. Guillaume LEBAUDY, ethnologue, IDEMEC - Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, assistant de conservation au Musée des arts et traditions populaires de Moyenne-Provence, Draguignan Le 09/04/2010 - 14:00 Communication : Le paysage sonore des grottes ornées au Paléolithique La production sonore des artistes du paléolithique est un sujet rarement abordé. Dressant le portrait de chasseurs-cueilleurs maîtrisant l'art du dessin et de la gravure, les manuels d'histoire présentent une humanité muette vivant dans un monde silencieux. Or, l'archéologie a mis au jour de possibles instruments en os. De plus, les grottes ornées de l'Europe occidentale recèlent de mystérieuses marques de percussions. Ces pierres martelées ont souvent de remarquables propriétés sonores. Certaines stalactites ou stalagmites ont-elles servi de lithophones naturels ? Vaste ventre résonnant, la caverne devient alors instrument et paysage sonore. Envisager la question du son au Paléolithique permet d'ouvrir des pistes d'interprétation. Les grottes pourraient être envisagées comme le théâtre de cérémonies accompagnées de chants et de danses. Nous avons expérimenté sur des lithophones naturels en Espagne et en France. Ces enregistrements sont diffusés dans le musée de Préhistoire d'Altamira.
M. Philippe CLAERHOUT, adjoint au cher de cabinet chargé de mission qualité à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire
M. François CLAERHOUT Le 09/04/2010 - 14:00
Communication : Les paysages sonores du Dauphiné/Berlioz Si les musicologues s’accordent à reconnaître l’importance des fortes impressions sonores/musicales connues par Berlioz à l’écoute de son environnement, dans sa jeunesse, et l’insuffisance de sa formation musicale académique, peu d’éléments concrets nous sont pourtant donnés. Quand il s’agit d’analyser l’œuvre de Berlioz, il y a comme un malentendu : les commentateurs restent dans le champ connu de la tradition écrite et du commentaire analytique classique et n’associent aucun son, pas même l’idée d’un son, aux images (romantiques) des paysages du Dauphiné de ce début du XIXe. Il est sans doute plus simple en effet de partir du connu, d’ajouter de la forme (écrits, instruments retrouvés, premières partitions...) à la forme (œuvre close du compositeur) ou de se contenter d’oppositions binaires (savant/populaire, oralité/écriture...) que d’utiliser une notion aussi vague que celle de paysage sonore, qui plus est, disparu et donc à reconstituer. Pourtant, ne serait-ce pas d’abord par ce tiers musical que nous devrions commencer ? A partir de cet exemple, nous montrerons comment un paysage sonore se dessine et les champs inouïs qu’il permet d’appréhender.
M. Bruno MESSINA, professeur d'ethnomusicologie au Conservatoire de Paris (CNSMDP), directeur du Festival Berlioz, Agence iséroise de diffusion artistique (AIDA-EPCC) - Séance du 10/04/2010 - 09:00
Présidents :
M. Didier BOUILLON, professeur à l'Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles
Mme Marie-Barbara LE GONIDEC, chargée du département de la musique et de la parole au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (ancien Musée des arts et traditions populaires) Le 10/04/2010 - 09:00
Communication : La cartographie sonore comme révélateur de l'identité urbaine Grâce à Internet et aux technologies multimedia, la cartographie est devenue interactive et dynamique. L’intégration du son dans les représentations de l’espace est devenue possible, renouvelant ainsi la façon d’appréhender les relations qu’entretient la société avec son territoire. Les expériences de cartographie sonore participative sur Internet se multiplient, en particulier dans les villes, comme à New York, Montréal ou Berlin. Comme le son est le résultat d’une perception et qu’il a une existence discrète dans l’espace et dans le temps, la documentation sonore d’une étendue spatiale est forcément subjective et lacunaire. Analyser quels sites font l’objet d’un enregistrement dans les cartes sonores ainsi que les raisons et les significations qui sont liées à ces choix éclaire sur les représentations sociales que les individus ont de leur paysage sonore et contribue à définir des éléments de l'identité territoriale, entre invariants et particularismes locaux. Le 10/04/2010 - 09:00
Communication : Les « paysages sonores » en question : aporie de la notion « d’aire culturelle » dans les domaines de la musique et de la danse Qu’il s’agisse de toute une évolution des sciences humaines et sciences sociales dans le courant du XXe siècle, des politiques patrimoniales en général ou des revendications identitaires culturelles et politiques à caractère régionaliste, la notion de territoire s’impose progressivement dans sa dimension locale et même micro-locale, postulée comme aire culturelle. Aires linguistiques et dialectales, et plus largement culturelles, elles sont également chorégraphiques et musicales. Cette communication tentera d’examiner les mécanismes d’élaboration de ces aires culturelles et les diverses stratégies qui président à leur postulat, mais elle essaiera également de montrer en quoi cette notion est surtout légitimée par des considérations politiques et idéologiques et ne résiste pas à l’examen scientifique approfondi. D’une façon générale, c’est la notion même de paysage sonore, notion essentialiste et holiste, qu’il convient de relativiser fortement, sinon d’abandonner. M. Luc CHARLES-DOMINIQUE, professeur d'ethnomusicologie à l'Université de Nice Sophia Antipolis Le 10/04/2010 - 09:00
Communication : « L’ambiance est bonne », ou l’évanescent rapport aux paysages sonores au Caire Cette contribution poursuit un travail sur cette matière intangible qu’est l’ambiance sonore d’un lieu. Ce paysage sonore non seulement est une résultante des activités menées en son sein (définition passive), mais peut être également une construction collective volontaire (définition active). Au sein du Caire (Égypte) et de sa « gangue sonore », chaque quartier possède dans le tissu urbain de la mégapole une identité spécifique attribuée par les citadins, une ambiance. Loin de ne tenir que de l’anecdote, d’un simple arrière-plan sonore, l’ambiance est la qualité première invoquée par les citadins pour expliquer leur déambulation ici et non pas là dans la ville, justifier leur appréciation des espaces. L’ambiance, dans sa composante sonore, devient une part objectivée de la « beauté » d’un espace urbain. Dans Le Caire des sorties populaires, on pique-nique sur les bancs, sur des ronds-points... les ambiances urbaines prennent, se créent au sein même et sans se soustraire ni s’abstraire d’un environnement saturé de gens, d’odeurs, de pollutions urbaines... et de sons. Ces ambiances sonores ne sont pas le fait du hasard, elles sont des productions sociales. Au delà, il reste à éprouver l’hypothèse d’une « structure sociale sonore » : les ambiances sonores (faites et reçues) s'organiseraient sur la forte structuration sociale de la société égyptienne. Comment qualifier les paysages sonores, comment les analyser, que peut-on dire de leur production et des normes qui les régissent ? Et si les ambiances sonores peuvent être décrites comme des décors de l’instant, quels jeux d’acteurs permettent-ils alors ?
M. Vincent BATTESTI, anthropologue, CNR S- Muséum national d'Histoire naturelle Le 10/04/2010 - 09:00
Communication : (Re)qualifier le paysage sonore en ville L’environnement sonore en ville apparaît saturé et uniformisé. Face au bruit, réglementation et protection physique ont été les seules réponses des politiques publiques. Il semble aujourd’hui légitime, à l’ère de la remise en cause de l’urbanisme rationaliste et de la volonté de renouveler la relation de l’homme au monde qui l’entoure, de penser l’aménagement qualitatif de l’environnement sonore urbain. Toutefois, on dénombre peu d’aménagements sonores des espaces publics urbains, malgré l’intervention ponctuelle d’artistes. L’appréhension de l’environnement sonore est complexe et l’on manque d’expérience. Récemment, la notion de paysage a connu une évolution et tend à se rapprocher du cadre de vie et de la problématique du développement durable. Ne serait-il pas pertinent de croiser les connaissances issues de la recherche sur la perception, l’environnement et les ambiances sonores avec les théories et concepts du paysage, afin de dépasser l’impasse « aménagiste » actuelle sur l’espace sonore ? Les « quartiers durables », en tant que traduction opérationnelle à l’échelle locale du développement durable, et par la volonté qui s’en dégage de changer les modes de vie, ne pourraient-ils pas permettre de saisir la portée opérationnelle du paysage sonore ?
Mme Elise GEISLER, architecte DPLG, doctorante au Laboratoire de recherche de l'Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles (LAREP)