Cet article découvert dans le Figaro du 15 Mars 2010 traite d'un thème passionnant, tant nous pouvons mettre en pratique l'empathie dans notre quotidien.
Merci à la journaliste Pascal Senk, pour la richesse de ses recherches ...
"Ressentir, l'empathie, nouvel objet de recherches
Ce ciment indispensable des relations humaines a sans doute besoin d'être revitalisé dans un monde en crise.
C'est elle qui vous fait dire "Aïe" quand votre enfant se coince les doigts dans la porte ;
c'est aussi elle qui vous fait pleurer à chaudes larmes au cinéma quand le héros se réconcilie (enfin!) avec son père.
ELLE, c'est l'empathie...
L'aptitude à ressentir ce que ressent un autre.
"L'outil le plus puissant dont nous disposons pour entrer en relation avec autrui, le ciment des relations humaines", selon le grand psychiatre américain Irvin Yalom.
Une émotion que l'on pouvait croire spécifiquement humaine avant que le biologiste Frans de Waal, dans un remarquable essai ( L'âge de l'empathie, éd LLL), ne nous confirme que l'empathie est caractéristique de tous les mammifères, même les loups, à savoir tous ceux qui ont un instinct profondément grégaire.
Depuis quelques mois, l'empathie est étudiée et scrutée de tous côtés : conférence très remarquée de Frans de Waal, et journée spéciale Empathie à la Cité des sciences de Paris la semaine dernière, réunissant philosophes, neurologues ou pédopsychiatres, livres de psychanalystes en préparation sur ce thème...
Un Institut de la compassion :
Enfin, "Last but not least", création à l'université de Stanford, et sur l'impulsion du Dalaï-Lama, d'un grand institut de recherche et d'éducation sur la compassion et l'altruisme, où le chef spirituel parlera en Octobre prochain de " La place centrale de la compassion dans la vie humaine et dans la société".
La première a une connotation plus spirituelle,
la deuxième plus psychologique, mais elles ne désignent qu'une seule et même aptitude : savoir partager les émotions de l'autre.
Pour Jean-Pierre Barou et Sylvie Crossman, auteurs d'une enquête affûtée sur la conscience, l'influence du Dalaï-Lama est déterminante :
"C'est lui qui nous a reparlé en 1987 du devoir de compassion, pas seulement avec les autres hommes mais avec l'ensemble du vivant, plantes, animaux... Et il l'a fait en dialoguant avec des spécialistes de neurosciences comme Francisco Varela."
Oui mais pourquoi maintenant ?
"Jamais la question de la survie de notre espèce ne s'est autant posée à nous", affirme Sylvie Crossman.
Et la compassion est précisément ce qui permet à l'homme de ne pas rester "un loup pour l'homme" et de pouvoir développer des liens de solidarité.
Paradoxalement donc, c'est grâce au Bouddhisme que l'empathie a quitté des domaines réservés jusqu'alors à la psychologie, aux sciences humaines et à la religion, pour devenir un objet d'études scientifiques, observable notamment grâce à la neuro-imagerie cérébrale.
"Dans le bouddhisme, explique Jean-Pierre Barou, elle a toujours été considérée comme un état mental qui se travaille, et qui dissout les émotions perturbatrices (haine, concupiscence, jalousie...).
Mieux, on peut activer cette zone grâce à des exercices d'imagination.
Une observation scientifique qui ne fait que confirmer les pouvoirs de l'empathie dans la relation thérapeutique ou les processus de guérison.
Jeu des trois figures :
Comment l'intensifier quand celle-ci est faible ?
Pour le Bouddhisme: méditation, contemplation et visualisation ( au sens d'imagination de situations déclenchables) en sont les principaux activateurs.
Pour les grands psychothérapeutes, comme Irvin Yalom, elle peut renaître d'une thérapie réussie, ainsi qu'il explique dans son dernier livre "Le jardin d'Epicure" : "Non seulement vous devez apprendre à connaître l'univers du patient, mais vous devez aussi aider les patients à développer leur propre empathie envers les autres."
Suite à un programme de recherche mené de 2007 à 2010, il a mis au point une formation de trois jours destinée aux enseignants, afin de leur apprendre " le jeu des trois figures" qu'ils transmettront ensuite dans leurs classes.
Le but ?
Aider les enfants à s'identifier dans des rôles très différents, à ne pas se limiter aux traditionnelles postures du "bourreau" ou de " la victime" dans leurs jeux de cours, à oser éprouver des gammes d'émotions diverses.
Autant de voies pour faire grandir en chacun cette émotion, à mi-chemin entre le naturel et le culturel, le corps et l'esprit, et sans laquelle le monde serait encore plus dur qu'il n'est.
Pascal Senk pour le Figaro du 15 Mars 2010
Allez, au plaisir de vous lire...