“Paris-Brest” de Tanguy Viel

Par Kornaline

« Paris-Brest » de Tanguy Viel est un roman qui appartient à plus d’une catégorie. Roman noir tragi-comique, il s’agit d’une histoire de famille qui ne répond en rien aux codes du roman familial conventionnel. L’auteur y mêle traits d’humour et traits d’esprit et nous livre une peinture parfois acerbe de la petite bourgeoisie de province.

L’histoire se déroule dans la ville de Brest où la grand-mère du narrateur se retrouve à la tête d’une somme d’argent colossale : 18 millions de francs récupérés des suites d’une drôle d’histoire. Un vieux monsieur lui demande de l’accompagner durant les trois dernières années de sa vie avant d’en faire sa légataire universelle. Ce trésor financier déclenchera les convoitises et nous plonge dans l’inénarrable histoire d’héritage d’une famille provinciale.

A travers ce récit non linéaire, l’auteur dépeints avec justesse et une honnêteté parfois cruelle le face à face entre petits bourgeois et classes sociales jugées inférieures. A l’image de la mère du narrateur qui « n’aime pas les pauvres » et les soupçonne systématiquement des pires intentions, le texte décrit parfaitement cette société truffée de préjugés sociaux et obsédée par la préservation des apparences. Même quand rien ne va plus, l’essentiel est de limiter les dégâts face aux autres membres du club de bridge.

L’écriture de Tanguy Viel est originale et inventive : les phrases sont coupées et certaines parties lapidaires reviennent comme un refrain, se répètent … créant une attente, une anxiété. Le malaise et l’atmosphère de non-dits où tout doit se faire derrière les murs épais des maisons de granit sont parfaitement retranscrits et suscitent chez le lecteur inquiétude et appréhension. On se retrouve finalement déçu de ne pas assister à un dénouement plus dramatique. Il s’agit simplement d’une sombre histoire familiale de petits bourgeois de province, assoiffés d’argent et de reconnaissance mais prisonniers de la petitesse de leur personnalité et de leur vie. L’auteur utilise une bonne dose d’humour et parfois de méchanceté dans un roman qui contrairement à son titre est bien plus acide que sucré.