QuatriĨme G. Cours sur les droits sociaux.
Moi. -La devise de la République française c'est : Liberté, Egalité, ... ?
Deux ou trois voix. - ... Fraternité.
Moi. -Bien. Et qu'est-ce que ça veut dire, "fraternité" ?
Silence total.
Moi. -Ca veut dire qu'on est tous... frater...
Une voix. -On est tous fraters ? Qu'est-ce qu'y raconte ?
Moi. -On est tous frères ! Frères et soeurs. Voilà. Tous les citoyens de la République française sont des frères et des soeurs. Et d'ailleurs, c'est logique. Vous connaissez les premiers vers de l'hymne national français, la Marseillaise ? Allons enfants...
Les deux tiers de la classe se mettent à chanter à pleine voix :
Allons enfants de la patriiii-i-e
Le jour de gloire eeeeest arrivé !
Djeison, qui n'a pas chanté. -On joue contre qui ?
Moi, sans relever. -Merci pour ce bel effort. Alors maintenant, réfléchissez un peu. Si tous les Français sont les enfants de la Patrie, s'ils ont tous la même mère, ça veut dire qu'ils sont tous...
Deux ou trois voix, les mêmes que tout à l'heure. -... frères.
Moi. -... et soeurs.
Ibtissem, en souriant. -Eh msieu, ça veut dire que vous êtes mon frère ?
Moi, en souriant aussi, car j'aime bien cette élève. -Oui, Ibtissem. Et tu es ma petite soeur.
Smaïn, hilare. -Eh msieu, et moi jsuis vot' frère aussi.
Moi, avec nettement plus de réticence. -Eeeh oui, Smaïn.
Smaïn. -Eh mais alors, jpeux vous appeler "mon frère" ?
Moi. -Je préférerais que tu t'en tiennes à "Monsieur".
Smaïn. -Eh mais jvoulais vous demander un truc aussi. En France, on est tous frères et soeurs, c'est ça que vous avez dit.
Moi. -Oui.
Smaïn. -Eh mais alors, si je me marie avec une Française, c'est de l'inceste.
Moi, soulagé que la classe, où pratiquement personne ne connaît le sens du mot "inceste", ne réagisse pas. -Tu pourrais garder tes fines plaisanteries, s'il te plaît ? Bien. Alors maintenant, il faut voir quelles sont les conséquences de cette "fraternité". Smaïn, tiens, puisque tu as des choses à dire. Tu aimes ta famille, n'est-ce pas ?
Smaïn, ne voyant pas où je veux en venir. -Bah ouais.
Moi. -S'il arrive quelque chose à ton petit frère Marwan, tu le défends, n'est-ce pas ?
Smaïn. -Ah non, il est trop con, Marwan (rires).
Moi, qui commence à m'énerver. -Bon, mais si tu étais une personne normalement constituée, tu le défendrais. Et moi qui suis ton grand frère, puisque nous sommes français tous les deux, je peux te dire que je vais m'occuper de toi, mais quelque chose de bien, mon gaillard ! T'as compris ?