Overdose d'actions fumigènes et effondrement sarkozien

Publié le 30 mars 2010 par Copeau @Contrepoints

La branlée de magnitude 9 sur l'échelle de citoyenneté que s'est pris l'UMP aux régionales n'en finit pas de provoquer des remous autour de l'épicentre présidentiel sarkozien. Et le déplacement du chef de l'État aux États-Unis aura permis de donner une nouvelle ampleur à son arrogance et sa cuistrerie.

Panique dans la majorité : depuis deux semaines, c'est la crise de pleurs incontrôlable dans les rangs des élus de la majorité qui sentent bien que l'absence totale de cap clair de la politique présidentielle est en train de faire tourner en rond le bateau gouvernemental et en bourrique une bonne partie de l'électorat traditionnel de droite.

Filant des coups de rames frénétiques tant sur la droite que sur la gauche, le frêle esquif n'avance plus et fait des cercles de plus en plus agités alors que la mer, démontée, inciterait plutôt à choisir une direction (peu importe laquelle, au point où nous en sommes) et à souquer ferme au lieu de compter fébrilement les rations de survie. Mais non. Un coup, c'est oui, un coup, c'est non. Pour les constructions en zone inondable, par exemple.

Ainsi et de façon pragmatique, cette panique aura coulé par le fond – outre la majorité – la taxe carbone, ce qui est une excellente chose pour toute personne ayant encore deux sous de bon sens dans un portefeuille déjà lourdement ponctionné par les invasions fiscales. Mieux, on décroche la timbale lorsqu'on apprend que, vexé comme un pou, Adolf Hulot se tire de la barcasse en dérive.

Si l'on ajoute les petits pleurnichements de Jouanno, les cris d'orfraie de Papy Rocard et les atermoiements pathétiques d'un Juppé au pantalon toujours sur les chevilles depuis fin décembre 1995, on se dit que cette Taxe Carbone aura été, finalement, un véritable révélateur de Tartuffes écologistes et un vrai plaisir à abandonner. C'est comme une bonne fessée sur les parties charnues d'enfants insupportables dont les hurlements capricieux ont émaillé toute une journée : les petits cris qui suivent la vigoureuse sanction sont en réalité une détente pour des nerfs mis à rude épreuve.

Mais à cette joie toute printanière et quasi-revigorante, on doit ajouter les autres pitreries récentes qui se sont accumulées dans l'actualité alors que le président tente fébrilement de rattraper une situation pourtant désespérée.

Entre les deux tours, il fut tenté de « ralentir » les « réformes » : en somme, après n'avoir absolument rien fichu à grand bruits et avec beaucoup de moulinets et de petits mouvements de menton pendant les deux premières années de son mandat, si on faisait une pause ?

Las. Cela n'a pas marché.

Alors on remet les couverts une fois les élections passées (qui ne sont que régionales, hein, et n'auront que des conséquences régionales, comme, par exemple, un remaniement ministériel national… hem… Et puis zut !) : finalement, on va se concentrer sur les réformes d'importance.

Enfin, « les », c'est vite dit. On va en prendre une, mettons « la retraite », et on va la travailler au corps jusqu'à obtenir un résultat, peu importe lequel, parce que « renoncer, ce serait contraire à l'intérêt national, au pacte passé avec les Français en 2007, et donc finalement à l'intérêt même de la majorité » a averti François Fillon (qui est toujours, selon les dernières rumeurs, premier ministre). Ce même Fillon qui en a profité pour plaider pour le « cap vertueux » de sa « ligne économique », qui « se résume en quatre mots : compétitivité, investissement, modération fiscale et maîtrise budgétaire » (ici : rires nourris du lecteur habitué).

En fait de « ligne économique », il s'agit d'une courbe, de plus en plus volumineuse …

Mais baste, il faut bien ça ! Après tout, on nous répète que l'ultranéolibéralisme fait des ravages, ce qui justifie certainement de dépenser 1400 milliard d'euros en plus des ressources normales, puisqu'on a réussi à endiguer le chômage, payer grassement de solides retraites, fournir un système de santé en béton armé et une éducation plaqué or à nos chères têtes blondes. Encore 1400 milliards de plus, et le Paradis Sera A Notre Portée.

Non ?

Je ne sais pas, mais en tout cas, on va beaucoup parler retraite, histoire d'occuper le terrain. Car occuper (le terrain, les esprits, les élus), c'est une spécialité maison, comme pour la Burqa-Vite-Une-Loi, l'Internet-Vite-Une-Loi et la Pédopornographie des Nazis de l'Interweb-Vite-Une-Loi.

Heureusement, l'incroyable inefficacité bureaucratique de l'Etat permet de saboter rapidement les efforts pathétiques des uns et des autres dans leurs tentatives de réguler tout de notre vie, du téton au sapin, par exemple en oubliant les décrets d'applications de cette avalanche de lois.

Et pendant que le premier minustre (un minustre est un ministre dont l'envergure n'est pas très grande) s'agite pour les retraites, son patron va se refaire une santé, un footing à Central Park et grignoter des petits fours à la Maison Blanche.

Il est comme ça, Sarkozy : il aime, il adore, il adule l'Amérique, il est tout émoustillé à l'idée de se coller contre Obama.

Cette admiration s'en ressent même sur le site officiel de l'Elysée, dont la ressemblance avec celui de la Maison Blanche est … frappante. Et un peu triste, aussi : n'y a-t-il aucun créatif, en France, pour nous faire quelque chose d'un peu différent, franchouillard yet classy ?

Et donc, pour endiguer la chute dans les sondages, notre frétillant président va voir Obama et là, c'est le drame. Suite à une émotivité mal contenue, c'est l'ouverture des vannes du Grand Barrage de Rétention de Conneries, et c'est un flot puissant et ininterrompu de billevesées déversées dans la vallée du bon sens.

On découvre, abasourdi, les consternantes sottises qu'il a proférées – sans être inquiété, d'ailleurs – à l'université de Columbia, sur la crise économique ou le système de santé américain.

Pour la crise économique, il a su, avec tact, passer pour un inculte, en déclarant d'un trait :

« En deux ans, le prix du baril de pétrole est passé de 30 à 150 dollars, est-ce normal ? N'avons-nous pas intérêt à poser les bases d'une régulation qui permettrait d'avoir un baril à 80 dollars ? »

Ben oui, suffit de le demander, pardi ! Et pourquoi 80, d'ailleurs ? Pourquoi pas 18, beaucoup moins cher, finalement ? Et puis, réguler un marché où ce sont des états qui disposent de toutes les réserves naturelles, qui décident unilatéralement qui aura le droit de les exploiter (moyennant fortes rétributions), c'est plutôt comique. D'autant que la production, depuis les années 70, est, grosso-modo, totalement régulée … par des états. OPEP, monsieur Sarkozy, ça vous dit quelque chose ? Vous voulez un accès direct V.I.P. sur les robinets saoudiens ou émiratis ?

Quant à la santé, notre président a réussi, en deux petites phrases vite torchées, à s'aliéner à peu près la moitié des Américains, et à passer pour un trou-du-cul arrogant auprès de l'autre moitié. C'est assez fort :

« Quand on voit ce débat sur la santé, on a parfois du mal à y croire, en Europe cela fait cinquante ans que nous avons résolu le problème. En France, on ne vous demande pas votre carte de crédit avant d'aller à l'hôpital. Bienvenue dans le club des États qui ne laissent pas tomber les gens malades ! »

Ben voyons. Ceux qui ont voté contre ce système (la moitié des sénateurs, donc) seront ravis de l'apprendre. Quant aux autres, …

Déjà, sur le plan pratique, le président français – qui mérite des baffes – est assez mal placé pour donner des leçons. Encore une fois, ressortir un orgueil national très mal placé devant des gens qui en savent plus long que soi, c'est comme péter à table en demandant très fort qui a osé lâcher un vent.

D'autre part, le système de santé français est en solde déficitaire depuis plus de dix ans, avec un cumul à plus de 60 milliards. On peut vraiment parler d'une résolution du douloureux problème des caisses de l'État trop pleines…

Bref.

Encore une fois, nous pouvons mesurer ce que la politique française apporte au peuple : au delà des manoeuvres ridicules et des changements perpétuels de direction, on ne voit que gesticulations, agitations, frétillements, dépenses somptuaires, dettes, déficits, arrogance et cuistrerie.

Rien n'a changé avec les élections…

Heureusement, les Français conservent le moral.

Ce pays est foutu