Le CREDOF défend la justiciabilité des droits sociaux devant le Conseil d’Etat

Publié le 30 mars 2010 par Combatsdh

Dépôt d’un « amicus curiae » dans une affaire en cours sur le « DALO »

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Le jeudi 18 mars 2010, le Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux de l’Université de Paris Ouest-Nanterre la Défense (CREDOF) a adressé à la Section du contentieux du Conseil d’Etat un amicus curiae, c’est-à-dire une consultation visant à éclairer le Conseil d’Etat sur certains points.

Cette démarche intervient dans le cadre d’une requête du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et de la FAPIL (Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement) contre le décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant et à la procédure dite du « DALO », défendu dans l’instance par les ministères de l’Immigration et du Logement.

En effet, le CREDOF travaille actuellement, dans le cadre d’un contrat financé par la Mission Droit et justice et l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, sur la question précise de la justiciabilité des droits sociaux (« Droit des pauvres, pauvres droits ? », sous la direction de la Pr. Diane ROMAN).

Sont intervenus au soutien de la requête la CIMADE, l’AFVS (Association des familles victimes du saturnisme), le DAL (Droit au logement). Egalement saisie, la HALDE a estimé que cette restriction « caractérise une discrimination fondée sur la nationalité contraire aux dispositions nationales et internationales » et en a recommandé l’abrogation. Elle a présenté des observations devant le Conseil d’Etat au soutien de la requête (Délibération n°2009-385) et un mémoire complémentaire le 23 mars 2010.

La requête vise à obtenir l’annulation de l’article R. 300-2 du Code de la construction et de l’habitation en ce qu’il dispose que « pour remplir les conditions de permanence de la résidence en France [issues de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007], les étrangers (…) doivent soit être titulaires d’une carte de résident ou de tout autre titre de séjour prévu par les traités ou accord internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, soit justifier d’au moins deux années de résidence ininterrompue en France sous couvert de l’un ou l’autre des titres de séjour suivants, renouvelé au moins deux fois (…) ».

Pour le CREDOF, la question de l’« opposabilité » du droit au logement, qui est à la fois un objectif constitutionnel et un « droit » garanti par des conventions internationales, doit être replacée dans le contexte plus général de la justiciabilité des droits sociaux et de la compétence des juges – quels qu’ils soient : judicaires, administratifs ou constitutionnels – à adopter une décision sur le fondement des droits dits « sociaux » d’une question de conventionnalité ou de constitutionnalité d’un acte.

En outre, le 10 décembre 2008, les Nations-Unies ont adopté un Protocole facultatif au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) – sur le modèle des mécanismes de contrôle mis en place dans le cadre du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) – organisant une justiciabilité devant le Comité des DESC (CoDESC). L’entrée en vigueur de ce Protocole aura indéniablement des effets sur l’attitude des juridictions internes à l’égard des droits énoncés dans le PIDESC.

Ont déjà franchi le pas aussi bien la Cour de cassation (Cass. soc., 16 décembre 2008, Eichenlaub c./ Axia France) que le tribunal suprême de la principauté de Monaco (déc. 12 oct. 2000, Association des locataires de la principauté de Monaco). Une justiciabilité des DESC a déjà été suggérée au Conseil d’Etat en 1997 par le commissaire du gouvernement Ronny Abraham (concl. sur CE, sect., 23 avr. 1997, GISTI).

C’est pourquoi le CREDOF suggère au Conseil d’Etat de faire évoluer sa jurisprudence en reconnaissant une pleine justiciabilité des droits sociaux car, comme l’estime la Cour de Strasbourg, il n’existe pas de « cloison étanche » séparant les générations de droits de l’homme (CEDH 9 octobre 1979, Airey).

A Nanterre,

 

LE CREDOF

Contacts :  Véronique Champeil-Desplats - vchd@u-paris10.fr - Diane Roman - diane.roman@univ-tours.fr

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Annexe :

Dans son amicus curiae, le CREDOF défend à la fois la justiciabilité des droits sociaux mais aussi son universalité sur le fondement des arguments suivants :

1. Les droits sociaux ne sont pas plus abstraits que les droits civils et politiques.

2. Les droits sociaux sont des droits subjectifs au même titre que les droits civils, et porteur des mêmes types d’obligations.

3. Les lacunes de la doctrine juridique.

4. La réalité de la pratique des tribunaux.

5. L’évolution de la protection internationale.

Voir le texte de l’amicus curiae en PDF| sur le site du CREDOF


Amicus Curiae - CREDOF

voir aussi sur le site du projet “justiciabilité des droits sociaux”