1
Quand l'orage tend ses griffes
vers l'acier gris des coques
sur l'île une lumière
scintille entre les dunes
ils gouverne vers elles
scrutant derrière les rives
les visages masqués
des anciens naufrageurs
2
Voici qu'ils s'agenouillent
et voici qu'ils se lèvent
des marbrures de sel
irisent leur regard
dans l'île pas d'oiseaux
hormis les cormorans
3
L'île a des racines
profondes sous la mer
l'horizon n'enclôt pas
la patience des algues
ils brûlèrent leurs armes
à la chute du jour
4
Ils baisèrent la tête
au passage des cygnes
l'odyssée des nuages
ne les concernait pas
maintenant ils savaient
qu'ils ne parleraient plus
5
Des flaques de lichens
s'accrochent aux rochers
le vent le plus souvent
hurle son monopole
sur l'île on ne craint pas
la chute des miroirs
6
Pas de printemps sur l'île
ni d'hiver ni d'été
simplement des journées
à vivre par devers tout
accroché aux ramures
mugissantes du houx
7
Venus du clair de lune
ils sculptaient le ressac
sur leurs lèvres d'argiles
puis ils tournaient le dos
puis ils lâchaient les chiens
8
Ils ne renonçaient pas
à construire des gibets
mais quand ils se croisaient
dans l'ombre des fontaines
c'était le choc lourd
des bêtes de combat
9
Sur l'île
dans l'île
et hors de l'île
la mort est du domaine
des planètes conquises
10
J'ai le regret de l'île
humaine et comme indépendante
fruit centré sur l'espace
où viennent s'abreuver
les chevaux de l'exil
José Le Moigne
in Poèmes du sel et de la terre
L'Arbre à paroles éditeur
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