Les spécificités de l’ALM dans les pays émergents

Publié le 30 mars 2010 par Sia Conseil

Dans un contexte économique à fort potentiel, s’appuyant notamment sur des taux de bancarisation en forte progression, le sain développement des établissements bancaires des pays émergents passera par la mise en œuvre de politiques financières rigoureuses et

parfaitement encadrées.
La gestion ALM apparaît comme un outil indispensable pour assurer cet encadrement. Dès lors, chaque pays devra développer un modèle ALM propre, en tenant compte de leurs particularités. Une simple exportation des méthodes occidentales ne permettra en effet pas de refléter les réalités économiques de chaque pays.
Il est toutefois possible de dégager des particularités communes aux pays émergents, regroupant des éléments financiers, économiques et humains.

Des marchés financiers aux fortes spécificités…

Ces établissements bancaires sont soumis à des contraintes réglementaires fortes, généralement adaptées de la réglementation de la BRI (Banque des règlements internationaux), mais aussi à une structure bilancielle particulière issue d’une croissance économique importante mais ne bénéficiant pas des outils financiers à disposition des établissements des pays occidentaux.

Les mécaniques d’encadrement du crédit sont parfois strictes : c’est le cas au Maroc, pour lequel les taux des crédits et des dépôts sont encadrés, et des réserves et dépôts obligatoires sont imposés en fonction de l’activité commerciale. Il en va de même en Afrique subsaharienne, où les contraintes administratives et institutionnelles se traduisent par des coûts de transaction particulièrement élevés, limitant les possibilités d’élargissement de la base clientèle[1].
Ces contraintes réglementaires associées à l’absence de marchés interbancaires, ou dans les meilleurs cas la présence d’un marché peu actif, entraînent une dépendance importante des résultats de ces établissements aux réalisations commerciales.

Ainsi, contrairement aux établissements des pays occidentaux, le bilan des banques des pays émergents est totalement dépendant des fonds propres possédés et de l’activité clientèle, aussi bien en termes d’emplois qu’en termes de ressources. L’activité clientèle est par ailleurs moins réactive aux signaux du marché ou de la banque, elle nécessite par conséquent d’être pilotée avec de fortes anticipations. Ces dernières reposent sur des travaux de modélisation des dépôts clientèle (tous types de dépôts à vue, convertibles ou non, particuliers et entreprises, etc.) ainsi que des crédits d’autant plus précis que le besoin de quantification et qualification est fort (voir article Sia Conseil « Modélisation dans les pays du Sud de la Méditerranée », avril 2009). L’anticipation sera modélisée à travers des lois comportementales apportant une vision statique, complétée par des profils types apportant une vision dynamique au modèle.

L’histoire économique et politique de certains pays émergents a, de plus, créé des phénomènes de dollarisation / euroisation induisant des déséquilibres spécifiques de devises dans les bilans des établissements bancaires. Ce déséquilibre crée un risque de change important qui doit être piloté et maîtrisé : ainsi, en Turquie, les établissements bancaires présentent une vulnérabilité particulière due à la forte dollarisation des dépôts clientèle, entrainant ainsi  un risque important en devises entre passif et actif.

…subissant actuellement de fortes mutations

Dans certains pays émergents, les pratiques tarifaires sont en cours de libéralisation. Ainsi, le Maroc voit, depuis 2005, son activité bancaire progressivement déréglementée (emplois obligatoires supprimés, taux d’intérêt libéralisés…). Ces évolutions entrainent une modification des structures bilancielles des banques, les soumettant plus fortement aux risques ALM.
La mise en place d’un système de taux de cession interne (TCI), reflétant la réalité financière de chaque opération commerciale, permet une visibilité détaillée des composants de la marge. La marge peut dès lors être gérée avec précision pour limiter les impacts à la baisse dus au développement de la concurrence ou aux évolutions tarifaires non contrôlables. Le TCI permet ainsi d’évacuer le risque de taux des unités commerciales afin qu’il soit centralisé, anticipé et couvert par l’entité financière. Cette dernière peut ainsi calculer la rentabilité de chaque unité commerciale, produit, client, etc. consolider l’ensemble des positions de taux de la banque (position nette) et piloter réellement le risques de taux.

Le contexte économique de plus en plus attrayant de ces pays entraine en plus une évolution importante de la bancarisation.

D’où la nécessité de mise en œuvre d’une politique ALM performante…

Il s’agit donc pour ces banques de saisir l’opportunité de la libéralisation des pratiques et de la forte évolution de la production pour mettre en place une politique de gestion actif-passif rigoureuse et fortement impliquée dans le pilotage de l’activité commerciale (optimisation du couple rentabilité / risque). Dès lors, l’élaboration de l’offre commerciale doit intégrer une vision « risque de taux », de sorte à gérer le risque de transformation (emplois de longue durée financés par des ressources de durées trop courtes). Il s’agit de rendre cohérentes la politique financière et la stratégie commerciale en analysant le positionnement de chaque offre relativement au risque de taux porté. Cette démarche est d’autant plus cruciale que les banques des pays émergents évoluent dans un contexte où les marchés financiers sont encore peu développés, ce qui rend la couverture du risque de taux plus délicate à piloter.

… contrainte par des moyens plus limités

Cet objectif est d’autant plus complexe à atteindre, que ces établissements disposent de moyens techniques et humains plus limités et moins matures que ceux utilisés par les pays occidentaux.

Si les principes organisationnels adoptés par les pays occidentaux sont globalement transposables aux établissements bancaires des pays émergents, les systèmes informatiques ALM de ces derniers sont souvent surdimensionnés, et par conséquent peu adaptés, aux besoins des banques locales. Ces dernières travaillent le plus souvent (lorsqu’elles ne sont pas affiliées à des établissements de pays occidentaux) avec des outils moins évolués, de type tableur, rendant les modélisations et les nombreuses simulations plus limitées et moins fiables et donc impactant la capacité des banques locales à piloter efficacement leur développement commercial.

Les pays émergents vont vivre une période remarquable de relâchement des contraintes et de développement de l’activité, il est dès lors nécessaire de mettre en place une organisation et des outils ALM adaptés afin de tirer le meilleur parti de ces évolutions.
Il est d’autant plus crucial pour les banques des pays émergents de développer une vision ALM précise qu’elles sont soumises à une concurrence croissante de banques sous contrôle occidental, ces dernières possédant, en raison de leurs liens capitalistiques avec les établissements occidentaux, des outils de gestion des risques poussés, qui constituent un avantage déterminant dans la course concurrentielle que se livrent les grands acteurs bancaires des pays émergents.

Sia Conseil



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