Salon du livre 2010 : Internet et démocratie

Par Actualitté
On pouvait venir écouter, dimanche, quelques spécialistes réunis autour d’une même table pour discuter du rôle que peut jouer Internet dans nos démocraties modernes aussi bien que chez les peuples vivant sous des régimes dictatoriaux. En écho au dernier numéro de la brillante revue Books qui titre « Internet contre la démocratie ? », Olivier Postel-Vinay, le fondateur de Books, a animé un débat avec, pour invités Luc Lévy, Thierry Vedel et Michel Bonnin.
Si l’on peut émettre l’hypothèse qu’Internet, en tant que technologie est neutre, ce sont ces utilisations qui ne le sont pas. Il suffit de voir ce que font les Etats-Unis en finançant des sites permettant de lutter contre les dictatures en place à travers le monde. L’oncle Sam met également à profit les géants de l’Internet dont il dispose pour l’appuyer dans ce combat, avec notamment Google et Youtube.
Mais est-ce qu’Internet peut réellement œuvre pour renforcer la démocratie ? Aux Etats-Unis, certains milieux affirment que c’est grâce à cette nouvelle technologie que Barack Obama a pu être élu. Toutefois, cette vision d’Internet est de plus en plus contestée selon un principe simple : sur la toile, les internautes vont spontanément consulter des blogs et sites relevant de leurs idéaux politiques sans aller voir les parties adverses. Cela ne contribue in fine qu’à renforcer les idées préconçues que l’on peut avoir…
Quant au savoir, Internet contribue-t-il réellement à sa démocratisation ? On peut essentiellement parler de l’existence de cercles vertueux. Ceux qui savent chercher la bonne information en apprendront toujours plus. Pour les autres, rien n’est moins sûr.
Pour Thierry Vedel, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (CEVIPOF) à Paris, il faut bien prendre conscience qu’une première phase se termine sur Internet : celle du simple déploiement de cette technologie pour qu’elle puisse atteindre le plus de monde possible. A présent, on rentre dans une deuxième phase où il va falloir réfléchir à la mise en place d’usages maîtrisés de cette technologie. Mais, pour Thierry Vedel, Internet n’est pas neutre, c’est un nouveau média qui bouleversera indubitablement notre rapport au politique. Reste à savoir comment et à quel point.

Selon Michel Bonnin, professeur à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS), spécialiste de la Chine (auteur de Génération perdue), Internet permet à chacun de prendre la parole, ce qui semble donc favorable à la démocratie. Cette technologie contribue à renforcer le lien social horizontal précisément contre un régime totalitaire qui fonctionne de façon verticale.
C’est bien le cas en Chine mais l’état a, pour sa part, des moyens presque infinis pour développer la surveillance de tous ceux qui prennent la parole sur Internet. La toile devient alors le théâtre du jeu du chat et de la souris, un combat sans fin. Si les dissidents voient un don du ciel dans Internet, ils savent aussi que cette technologie peut faire tomber des réseaux entiers dès que l’état y met les pieds.
Thierry Vedel reconnaît bien l’existence de cette communication horizontale dans les pays démocratiques mais, seule une minorité d’internautes échangent sur la politique. Et encore, l’échange est presque absent tant les individus s'attachent à ne rencontrer que leurs semblables du point de vue des idées. Pour le reste, les internautes ne cherchent que le divertissement ou ne parlent que de leur vie : 80 % du contenu mis en ligne relève de l’autobiographie…
Pour l’économiste Thierry Vedel, auteur de L’économie immatérielle, il faut partir du principe que l’on ne peut imposer à un peuple la démocratie, que ce soit par les armes ou par Internet : chaque nation est indépendante, chaque état a sa propre histoire. Et, si les Etats-Unis étaient venus donner des leçons sur l’existence de chaînes étatiques en Europe il y a quelques décennies, on serait tombé dans l’incompréhension la plus totale. Cette réalité n’est pas à perdre de vue quand on aborde le cas de la Chine et la censure que l’état pratique sur Internet.

Une nécessaire régulation interviendra dans tous les pays, plus ou moins sévère selon le régime politique en place. C’est une réflexion qu’il faut porter à présent : qu’est-ce qu’on va autoriser ou pas ? Des protocoles de régulations sont en train de voir le jour car, après dix ans d’expérimentation, on y voit un peu plus clair sur les aspects positifs et négatifs d’une telle technologie.
Afin de poursuivre votre réflexion, je vous engage à vous plonger dans le dernier numéro de la revue Books qui donne la parole à différents experts sur ce sujet au niveau international.