Vu d'ici tout est peti de Nicolas Chalifour

Par Venise19 @VeniseLandry
Vous savez combien je suis curieuse des choix du Prix des libraires, c’est la principale raison qui m’a poussé à lire ce premier roman.
« Un petit être impossible tapi dans l’ombre observe la vie d’un Manoir ». Avec cette phrase, le roman est à découvert. Si je la décortique :

Impossible
est le mot juste, cet être ne se peut pas, rien de tel n’existe sur cette Terre, à ce que je sache.
Tapi dans l’ombre : pour le lecteur aussi. Vous ne le verrez pas.
Observe la vie d’un Manoir : Si la vie dans un Manoir vous intéresse, vous serez servi ; serviteurs, visiteurs, directeurs, femmes de chambre, cuisinier, horaire, décor de la cave au grenier.
Pour pénétrer l’antre de ce Manoir, suivez le petit être impossible, vous verrez tout par le prisme de son regard et surtout vous entendrez tout de sa bouche. « Mais en arrivant devant le gros frigo qui s’appelle aussi la chambre froide et qui est très verrouillé avec un cadenas, on voit avec nos doigts qu’on n’a pas les clefs dans mes poches et qu’on les a laissées dans mon trou et qu’on ne pourra pas manger des endives si on ne va pas les chercher ». Comme vous voyez, fait assez inusité, le récit est au « on » mixé avec du je. Je m’y suis habituée et ce choix a la qualité d'amplifier l'effet l'étrangeté.
Au départ, j’étais intriguée, bien sûr qu’un être d’une telle originalité, c’est mystérieux. Et puis, je me suis lassée, puis exaspérée, puis j'ai terminé à bout de nerfs. Ce petit être impossible s’avère une véritable peste, s’amusant à pisser dans la bouffe, se trémoussant de plaisir devant des scènes de chute. Aussi original soit-il, ce que je reproche à ce monologue que je sentais faussement maladroit, la répétition des mêmes mots (jusqu’à 3 fois le mot casse ou vigilance en 2 pages). Si on tombe sous le charme de cet être, lui prêtant des qualités enfantines, tout va, mais sinon, il devient difficile d'apprécier, puisque c'est un tête-à-tête. Son langage s’apparente à celui d’un enfant par la forme, le fond, lui, pose un regard social assez cru. Personnellement, j’ai beaucoup de difficulté avec la fausse candeur, tellement que je peux rater des occasions de rire. Je crois que ceux qui ont aimé ce roman l’ont trouvé drôle. Pas moi.
En plus, les fins sont faciles, et le moins que l’on puisse dire, sans subtilité. Difficile de révéler pourquoi sans trop en dire, et quand je mets "fin" au pluriel c’est parce que jusqu’à la fin, j’ai espéré que l’auteur en dévoilerait plus sur cet être qui est petit, se faufile partout, pense, parle, a un estomac, un nombril, des jambes, des désirs sexuels, des émotions, mais aucune conscience. Mais qui est-il, d’où vient-il ?
On revient au point de départ : un être impossible.
Je dois vous avouer que je me suis demandé à quelques reprises jusqu’où peut mener le désir d’être original d’un auteur et jusqu’où peut mener la curiosité d’une lectrice.
Vu d'ici tout est petit, Nicolas Chalifour - Héliotrope - Finaliste du Prix des libraires.