J’aime bien le mouvement écologiste parce qu’il fait bouger les idéologies sclérosée, notamment à gauche. J’aime bien Daniel Cohn Bendit et son art de la politique, son enthousiasme à débattre et à rallier. Mais il ce qui me gène dans l’écologie est qu’elle est une science jeune, mal établie encore, qui se complaît dans les vieux schémas du siècle antépénultième. Lorsqu’on sait mal, les préjugés ne sont pas loin. Ils affleurent dans le discours écolo, traduction politique (déformée et amplifiée) des balbutiements scientifiques.
Il existe notamment deux mythes qui viennent des lointaines croyances – et qui n’ont rien de scientifique : le mythe de la Nature sans hommes et le mythe que l’équilibre serait le Bien.
Pour les écologues, la nature serait un système heureux tout seul. L’être humain n’en serait qu’un parasite, prédateur, destructeur, tueur. Nous voilà dans la vieille conception dualiste du sujet et de l’objet, traduite dans la Bible par l’homme exception sur la terre : fils de Dieu avec la nature donnée par papa comme terrain de jeu.En 1953, les frères Odum (Américains) inventent le concept cybernétique d’écosystème et nomment l’homme un “parasite”. Ils s’opposent en cela au concept précédent d’Arthur Tansley, en 1935, qui faisait de la nature un “superorganisme” intégré (ce qui donnera l’hypothèse Gaïa). Nous sommes bien dans le combat de la cybernétique contre l’organicisme, débat daté, dépassé, qui marque l’idéologie anglo-saxonne (la théorie des systèmes) contre l’idéologie allemande (la théorie organique). C’est ainsi qu’en politique, le régime américain ou anglais fonctionne par contrepouvoirs forts qui tendent à s’équilibrer, tandis que la conception allemande ou française jacobine fonctionne comme une hiérarchie de pouvoirs emboîtés dans un tout national - organique.
Comme cela paraît loin de la SCIENCE écologue ! Comme cette mise en lumière des idées sous-jacentes aux discours montre bien le poids des idéologies et des croyances métaphysiques dans l’écologie politique !
• Du côté des systèmes, chaque « environnement » est traité de façon réductionniste en stocks et flux. Le tout s’équilibre comme sur un marché, par actions et interactions.
• Du côté de l’organisme, le « milieu » est traité en emboîtements hiérarchisés qui s’englobent jusqu’à la planète entière. L’idéal est celui de l’équilibre global, le grand silence planétaire, le monde des dieux immobiles et des idées pures.
Or les structures du milieu ambiant et les fonctionnements du vivant sont en constant mouvement. Ils évoluent - et en interactions constantes entre eux. Nul écosystème n’est sans histoire. Il n’est pas une boite noire qu’il suffit de « révéler » comme si elle demeurait éternelle. Il est une création constante en déterminisme dialectique avec tout ce qui l’entoure.
Quant à l’homme, il n’est pas extérieur à ce monde. Il n’en est ni l’observateur, ni le fils chéri du Créateur, ni le prédateur destiné à l’épuiser. L’homme fait partie de la nature ; il est né d’elle par essais et erreurs – c’est tout le sens sans dessein de l’évolution. Il n’est pas celui qui agit sur une nature passive, mais il est en interaction constante avec ce qui l’entoure, vivant et matière.
Les théories de la science moderne devraient s’introduire dans l’écologie politique.
• La théorie du chaos montre qu’une variation minime des conditions initiales peut engendrer des effets macro importants. Cela signifie que :
- chaque événement est singulier (qu’il ne peut être réduit à des lois générales),
- qu’il est historique (il évolue par interactions),
- enfin qu’il est irréversible (la planète ne cesse de se transformer, elle ne revient jamais aux conditions initiales).
• Le constructivisme, qui observe la façon dont se bâtit le savoir scientifique, montre
- qu’il n’existe aucune réalité cachée immuable,
- ni une Vérité platonicienne qu’il suffirait de mettre au jour,
- mais que la connaissance évolue par construction de nouvelles représentations qui s’affinent et se cumulent, malgré les impasses, parfois.
L’être humain dépend du vivant et de la matière, la planète est la sienne : elle n’est pas son « environnement » (extérieur à lui) mais son « milieu » (dans lequel il baigne). Pierres, plantes, animaux, contribuent à ce qu’il est pour le nourrir, le protéger et le chauffer, le soigner, pour construire et connaître.
Alors que « l’environnement » induit la croyance qu’il faut revenir à un équilibre mythique sans l’être humain - le « milieu » fait considérer l’existence de l’homme intégré dans le cosmos comme un choix de société.
• Qui dit choix dit débat collectif, dans les formes démocratiques qui sont les nôtres (sauf à choisir le régime chinois ou castriste).
• Qui dit démocratie dit tolérance aux opinions des autres, éducation patiente et négociations forcément politiques pour traduire en actes concrets ce choix de société.
C’est loin d’être le cas des écologistes d’aujourd’hui !
- Combien de sectaires autistes qui ne veulent pas entendre parler d’en parler, mais préfèrent imposer leurs croyances non fondées - par la force ?
- Combien de Cohn-Bendit démocrates contre des Bové pré-fascistes ?
- Combien de manifestations – degré zéro de la politique – « contre » les OGM, les nanotechnologies, l’énergie nucléaire et j’en passe ?
- Toujours « contre », jamais « pour ». Et surtout (au grand jamais !) dire quoi que ce soit à gauche contre les ouvriers, la CGT, la Chine prédatrice aujourd’hui ou l’URSS productiviste d’hier.
Quel écolo a-t-on entendu sur la fermeture programmée de la raffinerie de Dunkerque, par Total ? N’est-ce pas « bien » qu’une usine polluante à produire de l’essence polluante ferme, parce que la consommation d’essence baisse ? Apparemment non, pour nos écologistes schizos, pris entre le « désir » d’équilibre post-médiéval et la « passion » gauchiste jamais remise en cause. Le marxisme, pourtant, n’est-il pas la traduction idéologique de l’industrie triomphante, de la maîtrise absolue sur la nature, de l’homme-occidental-éclairé-maître-du-monde ?
Allons donc ! Un petit effort, les écolos ! Laissez vos croyances intolérantes. Devenez scientifiques et citoyens. A tout instant, et dans l’incertitude des conséquences, les êtres humains doivent construire leur projet de vie sociale dans le milieu naturel et dans le milieu humain (forcément politique), tout en accompagnant la planète dans sa course sidérale. On vous attend, sans anathèmes ni braillements. Montrez, comme Dany le rouge, que vous êtes adultes insérés dans le milieu social vivant !
Deux exemples de la Nature sans humains - ou la culpabilité d’être au paroxysme :
http://en.wikipedia.org/wiki/Life_After_People
http://channel.nationalgeographic.com/channel/aftermath/environment/index.html