On adorerait détester Top Chef sur M6. On adorerait marteler que la gastronomie est affaire de convivialité et de partage, et non de compétition et d’exclusion. On adorerait ricaner sur la télé-réalité, qui souille tout ce qu’elle touche avec ses grosses ficelles puantes. On adorerait se ficher de la poire des concurrents qui tremblent et de celles des jurés qui se la pètent.
Mais voilà, ce machin-là nous scotche comme un benêt devant la lucarne tous les lundis. Voilà l’Estèbe qui halète avec les candidats; qui s’amuse des défis vicelards qu’on leur impose; qui s’émerveille du brio des uns et s’inquiète pour le destin des autres. Blousé, l’Estèbe.
Il faut dire que ce truc-là est drôlement bien fichu dans le genre crapulerie télévisuelle, avec une vraie dramaturgie virevoltante, de vrais personnages qui mouillent le tablier et, surtout, de vrais moments de cuisine in progress.
Bref, on adorerait détester Top Chef sur M6. Or, on adore. Et on déteste adorer. Mais bon, comme chantait l’autre, il y a des choses qui ne se commandent pas.
Cela dit, rien ne nous empêche, une fois la téloche éteinte, de se plonger dans un roman autrement plus profond, émouvant et substantiel que le programme susdécrit. Ça s’appelle La Veuve (ed. Christian Bourgois). C’est le premier roman d’une Canadienne nommée Gil Adamson. A l’aube du XXe siècle, une jeune femme fuit dans le Grand Nord américain. Et rencontre, au gré de sa folle déroute, une galerie de personnages singuliers, cabossés, drôles et touchants. On se croirait un peu dans un vieux Cormac McCarthy, en un brin plus aimable, ou dans un vieux Jim Harrison, en un poil moins ornithologique. C’est rude. C’est épique. C’est addictif. Il y a de l’amour et du sang, des grands espaces et un ragoût de porc-épic, de la verve et du nerf. La Veuve, ça s’appelle. Lisez ce machin. Et bisez-moi.
Tchou !
PS : Plus de slurperies jusqu’à la Saint Glinglin. C’est Pâques. On s’en va à Rome faire un stage de puériculture douce.