Dossier Ingeborg Bachmann (par Françoise Rétif), 5

Par Florence Trocmé

Poezibao termine ici la publication du dossier Ingeborg Bachmann conçu par Françoise Rétif. A propos de ce dossier, lire l’introduction et la présentation, lire aussi une première série de quatre poèmes, ainsi que la séquence « Chants en fuite » et une nouvelle série de poèmes.

APRÈS CE DÉLUGE 
 
Après ce déluge 
j’aimerais voir la colombe 
et rien que la colombe 
encore une fois sauvée. 
Je sombrerais sans doute dans cette mer ! 
si elle ne s’envolait  
si elle n’apportait pas 
à la dernière heure la feuille. 
Publié dans le numéro XIX de Botteghe Oscure, p. 445. Puis dans Akzente. Zeitschrift für Dichtung, München, Jg. 4, Heft 6, Dezember 1957, p. 491. Repris Werke, I, p. 154. 
Lu en juin 1957 à la radio SDR Stuttgart.
Traduction Françoise Rétif 
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MYRIAM 
 
Où as-tu pris ta sombre chevelure, 
le nom si doux au son d’amende mûre ? 
Ce n’est pas ta jeunesse, cet éclat de levant— 
ton pays est levant, depuis plus de mille ans. 
Promets-nous Jéricho, au psautier donne vie, 
que de ta main coule la source du Jourdain, 
fais que les meurtriers soient pétrifiés soudain 
et un instant aussi ta seconde patrie ! 
Effleure les poitrines de pierre et produis le miracle, 
que les larmes enfin submergent aussi la pierre. 
Et fais-toi baptiser avec l’eau brûlante. 
Ne nous reste étrangère que le temps d’être plus étrangers à nous-mêmes.  
Une neige tombera souvent sur ton berceau. 
Sous les patins ce sera son de glace. 
Mais dors à poings fermés, et le monde est dompté. 
De la Mer rouge se retirent les eaux ! 
Publiédans le numéro XIX de Botteghe Oscure, p. 448. Repris dans Werke I, p. 155. 
Lu également comme le précédent à la radio de Stuttgart. 
Traduction Françoise Rétif 
 
ARIA 1 
 
Où que nous allions sous l’orage de roses 
la nuit est éclairée d’épines, et le tonnerre 
du feuillage, naguère si doux dans les buissons, 
est maintenant sur nos talons. 
Où toujours on éteint ce qu’enflamment les roses 
la pluie au fleuve nous emporte. Ô nuit plus lointaine ! 
Une feuille pourtant, qui nous toucha, sur les ondes dérive 
derrière nous jusqu’à l’embouchure.  
Wohin wir uns wenden im Gewitter der Rosen,
ist die Nacht von Dornen erhellt, und der Donner
des Laubs, das so leise war in den Büschen,
folgt uns jetzt auf dem Fuß. 
Wo immer gelöscht wird, was die Rosen entzünden,
schwemmt Regen uns in den Fluß. O fernere Nacht!
Doch ein Blatt, das uns traf, treibt auf den Wellen
bis zur Mündung uns nach. 
 
La première strophe, publiée en 1953, sous le titre « Sous l’orage de roses » est un écho du poème Stille de Celan ; la deuxième fut écrite à la demande de Henze ; le tout fut envoyé à Celan dans une lettre de 1958. Les deux strophes du poème, ainsi que le poème suivant, Freies Geleit (Sauf-conduit), furent mis en musique par Hans Werner Henze sous le titre Nachtstücke und Arien (Première le 20 octobre 1957). 
Traduction Françoise Rétif 
En conclusion de ce dossier, lire « Le Poème au lecteur » (esquisse), publié sur le site Œuvres Ouvertes. Manuscrit inachevé, publié dans la version originale pour la première fois en 1978 (cf. Werke, IV, p. 307), mais dont la date de rédaction est inconnue (probablement aux alentours de 1960). Certains mots (en particulier les mots de la fin Getier et Geäst en particulier) sont incertains. Première traduction de Françoise Rétif dans le numéro d’Europe, août-septembre 2003. 
dossier proposé et réalisé par Françoise Rétif