En l’espèce, le débat portait sur l’extrait d’un reportage diffusé en 2008 sur une chaîne de télévision nationale, membre du groupe France Télévision et mis en ligne sur le site de la chaîne. Selon les demandeurs, à savoir une maison de retraite et des membres de son personnel, ce reportage comportait des imputations diffamatoires de faits graves de mauvais traitements, verbaux et physiques, commis de manière habituelle.
Ils avaient donc saisi la justice en référé et assigné le directeur de publication du site internet de la chaîne ainsi que le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) de France Télévisions Interactive.
Le premier juge entra en voie de condamnation, estimant que les conditions de l’exceptio veritatis n’étaient pas remplies. Cette ordonnance fut toutefois infirmée en appel, entrainant l’introduction d’un pourvoi pour violation de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881.
En effet, en application de ce texte :
«La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le cas d’imputations contre les corps constitués, les armées de terre, de mer ou de l’air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l’article 31.
La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou offerts au public sur un système multilatéral de négociation ou au crédit.
La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf :
a) Lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ;
b) Lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ;
c) Lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ;
Les deux alinéas a et b qui précèdent ne s’appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur.
Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents, la preuve contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte.
Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l’objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d’une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l’instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.
Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires.»
La Cour de Cassation était ainsi invitée à se prononcer sur le mode de preuve de l’exception de vérité. En l’espèce, les demandeurs considéraient que les éléments retenus par la Cour d’Appel tels que des scènes filmées en caméra cachée au cours desquelles la direction de l’établissement de faits de maltraitance ne permettaient pas à la Haute Cour de s’assurer que la preuve de l’exceptio veritatis visé par l’article 35 avait été correctement apportée. En outre, était invoqué le fait que certaines preuves produites seraient irrecevables car postérieures à la date de publication.
La Cour de Cassation rejette le pourvoi, considérant que «les juges du fond, qui se sont référés à des faits antérieurs à la diffusion litigieuse, dont la preuve pouvait être apportée par tous éléments, peu important que ceux-ci fussent postérieurs à la publication des propos diffamatoires, ont retenu la vérité de ceux-ci sans se fonder exclusivement sur les procédures disciplinaires dirigées contre certains salariés».
Pour la Haute Cour, les premiers juges pouvait retenir l’exception de vérité dès lors qu’il est démontré qu’ils ne se sont pax uniquement fondés sur des éléments de preuve postérieurs à la diffusion.
En effet, la jurisprudence applique classiquement deux principes pour déterminer la recevabilité de l’exceptio veritatis :
- le principe de corrélation : en application de ce principe, le prévenu doit apporter la preuve parfaite et corrélative aux diverses imputations formulées, dans leur matérialité et leur portée.
- le principe de pré-constitution : en application de ce principe, les tribunaux refusent classiquement que la preuve de l’exceptio veritatis puisse être déduite de faits postérieurs à la publication litigieuse.
Dans cette décision la 1ère chambre civile semble aller plus loin en acceptant de retenir des éléments de preuve postérieurs à la publication, dès lors que la décision de retenir l’exceptio veritatis ne se fonde pas exclusivement sur ces derniers mais bien sur des éléments antérieurs.
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Source :
-Cour de cassation 1ère ch.civ, 25 Février 2010; -Voir le document