On pouvait hier au Salon du livre assister à une conférence sur les différences d’expression qu’il existe entre la littérature et le cinéma. Trois personnalités autour de la table pour l’occasion dans un débat animé par le journaliste Hubert Artus.
Premier à prendre la parole, Jean-Claude Carrière, écrivain et scénariste. S’il a découvert le cinéma, c’est par le livre. Lors de ses premières publications, son éditeur était en relation avec Jacques Tati afin d’organiser des adaptations des plus grands succès de la maison.
Pour comprendre les différences entre littérature et cinéma, il lui aura fallu rentrer dans une salle de montage. Si le cinéma a débuté comme une simple représentation du théâtre, c’est avec le montage qu’est intervenue la création d’une écriture nouvelle, à l’image de ce nouveau média.
Chaque nouvelle technique implique un nouveau langage et le siècle dernier fut particulièrement riche en création de nouvelles écritures, de nouveaux modes d’expression de la pensée humaine.
Quand le Russe Andreï Guelassimov, auteur de La Soif, et par ailleurs scénariste, c’est pour commencer par nous raconter une anecdote. Son roman Les Dieux de la steppe s’est imposé d’abord à lui par une première image, celle d’avions de chasse revenant d’une mission.
Et, après plus de cinq tentatives d’écriture, il a fallu qu’il se résolve à ne pas arriver à retranscrire sa première vision : cette écriture n’y parvenait pas. Ce n’est qu’en passant par l’étape de l’adaptation à l’écran qu’il a pu enfin donner corps à cette première vision.
Pour l’Américain Peter James, auteur de romans policiers et scénariste, ce débat fut l’occasion de rappeler ses débuts. S’il en est venu à écrire un scénario, c’est par hasard. Engagé comme technicien dans le cadre du tournage d’émissions télévisées pour enfant, il dut un matin remplacer au pied-levé le scénariste malade. Ce fut son premier succès.
Mais, désormais, ce qu’il apprécie dans la scénarisation ou la production de films, c’est qu’on entre dans le cadre d'une création collective. Tous ceux qui participent au tournage d’un film diront qu’il s’agit de « leur » film. On n’est pas du tout dans la même perspective lors de l’écriture d’un roman : une seule personne signe. Chaque passage de l’action, chaque geste n’est pas discuté comme il peut l’être dans le cadre de la création d’un film.
Le détail n’a pas la même valeur dans une œuvre littéraire ou dans un film. Pour tourner une adaptation du Père Goriot, malgré la lourde description initiale faite par l’auteur de la Comédie humaine, de multiples questions restent en suspens pour le metteur en scène. Ainsi, choisit-on une table carrée ou ronde pour le décor de la pension Vauquier ? Je vous laisse réfléchir…
En prime, le public a eu droit à la lecture de quelques extraits des oeuvres des invités. Et pour lire, les organisateurs avaient choisi Fanny Cottençon, ce qui ne gâche rien au plaisir...