La patronne en danger

Publié le 29 mars 2010 par Sophiel

Une famille, ça fonctionne comme une entreprise. Il y a un plan à réaliser, un budget à respecter révisé tous les trois mois (souvent à la baisse), des livraisons à tenir, une équipe à manager, des promotions à accorder ou des sanctions à administrer. Le patron est bien plus souvent critiqué qu’admiré, les employés préféreraient débuter leur carrière par une retraite confortable, aussi n’est-il pas dénué de fondement de faire passer une fois par an un entretien d’évaluation à chaque individu, histoire de remettre les pendules à l’heure, aussi bien du côté patronal comme de celui des syndiqués.

Le jour J, ayant fixé à chacun une heure exacte de rendez-vous, on s’installe, prenant soin de maintenir une distance de sécurité avec l’évalué, laissant la porte de la pièce ouverte, coupant court à toute future tentative d’accusation de harcèlement.

Honneur aux anciens, c’est donc avec la plus vieille collaboratrice que la séance débute :

Boss :

Bilan de l’année, compétences acquises, points à améliorer, vision de votre avenir à 3 ans.

Grande Gremlin :

Ben, ça roule.

Boss :

Je dirais plutôt : Année globalement satisfaisante, mais doit encore s’améliorer dans le rangement de sa chambre. Quelques efforts supplémentaires et vous pourrez prétendre à une promotion l’année prochaine. Merci.

Gremlin mâle, bonjour, mêmes questions.

Gremlin Mâle :

Ben ça va. Et toi ?

Boss :

Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble, veuillez user à mon encontre du respect qui m’est dû. En ce qui me concerne, je remarque que les objectifs fixés quant à votre propreté corporelle sont loin d’être atteints. En conséquence, point de prime cette année. Vous êtes sur la sellette mon ami, je compte sur vous pour vous reprendre. Merci.

Petite Gremlin, prenez place. Je vous écoute.

Petite Gremlin :

Gremlin Mâle, ben, il m’a mordu ! J’peux avoir un bonbon ?

Boss :

Voyez-vous, j’avais fondé en vous de grands espoirs mais votre attitude dénonciatrice me force à revoir votre plan de carrière. Brisons-là !

Mr Gremlin, assieds-toi mon chéri. Ca va ?

Mr Gremlin :

C’est quoi c’délire ?

Boss :

T’occupe... Dis-donc, j’ai toujours pas vu passer ta prime, t’as bien travaillé au moins ? Allez mon chou, tu peux disposer, mais penses-y ok ?

Vu le climat de conflits sociaux régnant sur le pays, les collaborateurs décident de s’unir, séquestrent la boss dans la cuisine, réclamant justice, amélioration des conditions de travail et augmentation de salaire réglable sur le champ en Petits Ecoliers et 1664.

La boss tente de calmer la rébellion qui met en péril son entreprise, expliquant que les caisses sont vides, que la crise touche tout à chacun et qu’à moins de solidarité elle sera bientôt obligée de mettre la clé sous la porte.

Les employés s’emportent, s’énervent, l’accusent de se moquer ! L’un deux exhibe un ensemble de marque récemment acquis (en solde certes) : « Et vous voulez nous faire croire que les caisses sont vides ? Vous nous refusez nos biscuits alors que vous-même, en plus de deux pulls mensuels, vous versez un tailleur en prime ! Et les trous dans nos baskets hein, qu’en faites-vous ???»

La menace plane d’alerter les médias, la boss essaie de se justifier : « C’est mon tailleur de l’année dernière que je n’avais pas encore acheté… » Rien n’y fait.

A bout d’arguments, elle propose de démissionner moyennant compensation : « Puisque c’est comme ça, je ne nettoierais plus vos vêtements,  ne cuisinerais que des plats en boîte mais continuerais à faire les lits ! »

« Comment ? s’exclament ses subordonnés, vous osez négocier un parachute doré ?! C’est un peu trop facile ! Prenez vos responsabilités, rendez ces tailleurs inutiles, achetez-nous de nouvelles chaussures, des gâteaux et de la bière belge, sinon, on vous colle un procès médiatisé jusque chez les voisins ! »

Acculée, la boss abdique. Après tout, cette entreprise c’est tout de même sa famille…