En 2009, j'ai envoyé un scenario de documentaire de société à la rédaction d'un grand magazine de reportages en demandant un rendez-vous. Évidemment, je n'obtins aucune réponse mais "qui ne tente rien n'est qu'un moins que rien", tel est l'adage de Blanche Neige. Il y a environ trois mois, alors que je soupais gaiement avec mes sept nains dans une ambiance folâtre et enjouée, Simplet alluma malencontreusement la télévision. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant mon documentaire en prime time sur une chaîne hertzienne! Aussitôt, Grincheux péta littéralement les plombs et catapulta sa côte de porc sur notre écran plasma. Il fulminait, écumait de rage, s'égosillant en petits cris de guerre et proférant de terribles insultes de petit personnage. Tandis qu'il farfouillait déjà dans notre stock de nitroglycérine, je demeurai stoïque. Sur les conseils du nain Prof, je réagis avec sagesse et sans tarder en envoyant tout simplement un courrier à la rédaction de l'émission: "Bonjour, je suis journaliste réalisatrice et je viens de visionner votre sujet qui est en tous points identique à celui que j'ai écrit et transmis à votre rédaction ainsi qu'à d'autres producteurs. Il s'agira certainement pour vous d'une simple coïncidence, mais je souhaiterais néanmoins connaître l'origine de votre reportage et savoir qui vous a proposé ou fourni ce sujet. Quoiqu'il en soit, je constate que mes idées correspondent donc précisément à votre ligne éditoriale. Dans ce cas, pourquoi ne pas tenter une réelle collaboration afin que nous puissions ensemble tirer parti de cet étonnant malentendu?" Contre toute attente, dès le lendemain matin, j'obtins cette fois-ci une réponse; un appel aussi empressé qu'embarrassé de l'assistante de l'émission. Elle bredouilla: - Nous avons pris connaissance de votre courrier et nous tenions à vous dire que c'est l'un de nos journalistes en interne qui nous a proposé ce sujet avant vous.- C'est surprenant, répondis-je, car je vous l'ai envoyé il y a déjà un an- Et bien... hésita-t-elle avant d'ajouter avec un certain aplomb:c'est que lui nous l'a proposé il y a deux ans!Mon nain Simplet devint dès lors très admiratif de ces émissions d'actualité dont les équipes de rédaction étaient capables de prévoir leurs sujets deux ans à l'avance. Quel professionnalisme visionnaire! Quant à moi, je n'eus malheureusement pas l'occasion de m'apitoyer sur mon sort, toute affairée que j'étais à réconforter Grincheux qui avait vainement tenté de se suicider en se suspendant à un câble péritel. Sur le mur de sa chambre, le pauvre bougre avait maladroitement griffonné: "la TV m'a tuer..."