S’asseoir en tailleur…Fermer les yeux…Détendre...

Publié le 28 mars 2010 par Fabrice @poirpom

S’asseoir en tailleur…
Fermer les yeux…
Détendre ses muscles…
Respirer profondément…
Faire le vide en soi…
Et prier pour la paix dans le monde. Embrasser l’immensité de ce minuscule caillou. Percevoir sa vibration. En épouser le mouvement. Accepter chaq… Si tu veux prier avec nous, rendez-vous au Point Éphémère.
Irruption électronique de K-Pu.
Une dernière accolade avec la Terre.
Roulade jusqu’au quai de Valmy. Descente pavée, lustrée par la pluie. Kojak, collé au mur, accueille son monde avec le sourire. À ses pieds, une jeune pousse de blé, vacillante, raide comme un supporter irlandais, pisse un bol dans un coin. Des têtes de mort prennent la poussière à côté du photomaton. Infiltration jusqu’au comptoir. Une bière et retour au bercail. La paix dans le monde.
Radar oculaire. Côté bar, des blondinettes se tiennent bien et se tortillent les mèches en sirotant des mojitos fluos pourris de glaçons. La jeunesse branchouille picore et baille côté resto: crumble de sardines en boîte, risotto liliputien, boulettes de viande Ikea. Côté fumeur, la crise a fait des ravages: des mégots pendouillants roulés par des manchots stagnent sur toutes les lèvres. Et K-Pu, La-Lee, Ré-Mee, Chaussette et Al-Un s’entassent sur des chaises, autour d’une table grande comme un mouchoir, entre deux barrières de sécurité.
On revient du Salon des Vignerons, Porte de Champerret. Putain, la claque!
K-Pu, pétillante comme un whisky-Perrier, arbore un sourire de championne du monde et un verre à pied. Généreusement offert à l’entrée du Salon. Elle l’enfonce dans son sac et plante ses crocs dans sa pinte.
À ses côtés, La-Lee sirote la sienne en souriant, la tête enturbannée.
Coutures éclatées, semelles rongées, cuir de vachette tailladé. Les pompes d’Al-Un, éventrées par de trop longues marches nocturnes, discutent le bout de gras entre elles.
Il a le geste lent du fumeur de nuages. Sapé tel Marty MacFly, catapulté dans les années 50. Comme un garde-côtes.
C’est pas un gilet de sauvetage, c’est une doudoune.
Chaussette, réchauffée par une veste argentée limée par les années, chatouille et bécote son grand Ré-Mee d’amour. En pantalon sombre épuisé et chemise de taulard délavée, coiffé à l’explosif, l’amateur de chatouilles sourit gentiment.
La traditionnelle valse de l’Éphémère cale son rythme nocturne sur le quai. Électrons ivres en pagaille chahutant allègrement sur les pavés. Soudainement, les pompiers pinpontent à plein tubes. Les flashs bleus piquent les yeux des comateux. Les électrons s’accrochent les uns aux autres, s’écrasent contre les parois de la terrasse, grimpent aux barrières, glissent au bord du quai, à quelques centimètres du matelas d’eau du canal. Le chauffeur met les gaz et déplace l’air. Dans l’aspiration, tout le monde reprend sa place sur les pavés lustrés. En virevoltant. N’importe où, n’importe comment, à dire n’importe quoi. Jusqu’à la prochaine alerte.
Ce soir, la faune éphémère s’est enrichi d’une paire de bandes de jeunes, sapés comme des sportifs avant un entraînement. Leurs races sont niquées, leurs mères des filles de joie. Et les premières torgnoles fusent.
Certains, prétendument diplomates, s’interposent mollement. Bousculés vigoureusement, ils déclenchent le conflit et distribuent les premières patates maladroites.
Sors l’extincteur. SORS L’EXTINCTEUR!
Sergio Tacchini dézippe sa veste, y plonge sa main, la ressort, arme et fait cracher sa bombe lacrymo format familial. Son extincteur. Le venin achève Stan Smith et disperse le reste des deux équipes. Les résidus de venin chatouillent les mirettes des clopeurs qui chialent comme des fans de Britney Spears en plein concert.
Une autre bière et retour au bercail. Percevoir la vibration du caillou.
On va chanter une chanson.
K-Pu potasse son texte, griffonné sur un carnet de notes. La-Lee cherche le La, le donne à K-Pu et elles décollent.
Un demi couplet, un éclat de rire, une gorgée de bière.
Et Al-Un pose un beat.
Une demie phrase, une barre de rire, une vague de bière. Un beat.
Et Ma drôle de vie de Véronique Samson détend l’atmosphère. Tout le monde sèche ses larmes. Expulse le venin. Et finit sa bière et son mégot.
K-Pu Samson frissonne. Mouvement général solidaire jusqu’au comptoir. Réchauffement climatique et corporel à la bière. Maquillage de babines et de moustaches à la mousse. K-Pu nique sa race à un hot-dog en vingt secondes.
Dans l’intérieur indus-post-moderne, la figuration ronronne. Les assoiffés se ventousent  au comptoir. Les blondinettes entortilleuses gardent le sac de leurs copines, parties pisser fluo-mentholé. La branchouille pique du nez dans les nems de fondant au chocolat.
Al-Un pense à filer pour une soirée chez un pote. La-Lee veut être couché dans une heure, K-Pu a deux mille trucs à faire le lendemain.
Une bière et bercail. Épouser le mouvement.
Et Ré-Mee a ses premières convulsions rythmiques. Sa Chaussette d’amour embraye au même moment et ondule tranquillement.
Deux écoles: C3-PO et la Petite Sirène sous acide.
Chaussette a maintenant laissé tomber la veste. Robe noire courte, collants noirs, épaisses chaussettes blanches de danseuse. Préhistorique paire de Timberland en daim aux pieds, elle ondule de plus en plus fort au son des sixties. Le Grand Déglingué, Ian Curtis de Joy Division, alterne pauses de ninja et convulsions.
Ces deux-là se sont méchamment trouvés.
Les figurants tournent progressivement leurs têtes en direction des deux écoles. Les blondes se tortillent les mèches comme des machines, à s’en arracher les cheveux par poignées. Les ventouses lâchent le bar. La branchouille ouvre un oeil.
Une donzelle revient des toilettes pour dames. Elle reprend sa place auprès de sa gardienne de sac, hallucine sur Ré-Mee, jette un oeil sur Chaussette, se lève et s’active gentiment. Et sa gardienne s’y colle dans la foulée.
Quelques poses de star plus tard, les deux écoles ont motivé une demie douzaine de personnes. Même ces messieurs s’y risquent. Si aucun n’a la présence de C3-PO, tous sont honorables.
Ré-Mee et Chaussette bondissent et rebondissent, bientôt entourés d’une foule qui se tortille comme des anguilles. De temps à autre, Chaussette attrape son grand dadais par le  col et lui en roule une. Et Ré-Mee, bien content d’avoir sa p’tite Chaussette dans les bras, l’enveloppe.
Et la figuration passe à la scène suivante.
Le DJ, haut perché derrière ses platines, tripote du bout des doigts la mini boule à facettes qui pendouille au dessus de sa tête.
Bien sûr que ça le fait rire.
Les crétins vicelards au regard moqueur sont accoudés un peu partout. Les barmen ont triplé leur débit de boissons. La branchouille émerge et redresse la tête. Le maigre espace entre les tables du bar, la piste en somme, dégueule d’anguilles, de ressorts et de convulsifs.
K-Pu pelote ses seins et donne le La. La-Lee pelote K-Pu. Chaussette pelote K-Pu. Ré-Mee fait de l’aérobic. Al-Un, lunettes de soleil sur le nez, a des allures d’abeille aux cheveux frisés. K-Pu, qui lui pique les lunettes, la joue diva du R’n’B en vacances. La-Lee frétille comme un poisson.
J’viens de passer une soirée pourrie au McDo des Halles. Z’êtes où? J’AI SOIF!
Rapide échange téléphonique avec Leen-C.
Entre deux déhanchements collectifs, deux écoles s’éclipsent. Chaussette prend sa veste sous le bras, Ré-Mee se fait tout petit. Ils se faufilent et s’enfuient. Les autres anguilles restent et rebondissent.
Leen-C atterrit à deux cents à l’heure un peu plus tard. Elle embrasse tout le monde, tombe la veste, commande à boire, savoure ses premières gorgées, décompresse gentiment, va s’en griller une sur la terrasse, papote un peu avant d’offrir, enfin, ces premiers rires.
Et le Dj coupe le son. Et rallume la lumière.
Evacuation des lieux. La figuration plie bagages. Accolades en pagaille, derniers échanges de rire puis tout le monde se disperse. Al-Un, chancelant, philosophe.
On a oeuvré pour la paix dans le monde, ce soir. On a bien fait de rester.
Retour au bercail.