Ex-joyau d'Haïti, Jacmel veut se relever pour faire revenir les touristes
Les peintres de sa vieille ville et l'eau turquoise de ses plages en avaient fait la capitale touristique d'Haïti. Une liaison aérienne avec Miami était même à l'étude. Mais à l'image des villas coloniales détruites par le séisme, tout est à rebâtir à Jacmel.
Une armée d'employés municipaux, le casque de chantier vert vissé sur la tête, fouillent le lit de la rivière de La Cosse qui traverse la ville et où gisent des tonnes de gravats du tremblement de terre du 12 janvier.
Car ici plus qu'ailleurs dans le pays francophone, les Haïtiens sont déterminés à reconstruire vite pour ranimer le tourisme, moteur économique de cette ville de 40.000 habitants.
Jadis mitraillées par les touristes, de nombreuses façades des vieilles bâtisses en brique de la basse ville se sont effondrées. Un quart des quelque 700 chambres d'hôtels sont en ruine. Et on se demande comment il sera possible de restaurer la splendeur perdue.
Mais pour les habitants de cette cité située au bord de la mer des Caraïbes, à 80 km au sud de Port-au-Prince, soit 3 heures de route, il n'y a pas d'alternative: "Mon rêve est de voir Jacmel tel que je le connaissais avant, que beaucoup de touristes viennent, que l'on rebâtisse le littoral de nos communautés ainsi que nos maisons", dit à l'AFP Georges Metellus, un enfant du pays qui dirige une fondation d'art pour les enfants.
La catastrophe a frappé alors que devait débuter le carnaval, époque où les rues sont habituellement prises d'assaut par les fêtards, comme à Rio de Janeiro, et durant laquelle les tiroirs-caisses sonnent sans discontinuer.
"Pendant la période du carnaval, on gagne normalement assez d'argent pour tenir toute l'année, pour nos enfants, nos familles", raconte à l'AFP Jules André, un artisan qui confectionne des décorations et des masques en papier-mâché pour lesquels Jacmel est réputée.
Prisée par les jet-setteurs américains et européens pendant les années 1960 et 1970, la ville avait ensuite été délaissée par les touristes, victime collatérale de l'instabilité politique chronique du pays.
Depuis peu, les voyageurs occidentaux avaient commencé à revenir, attirés par les charmes de la capitale culturelle d'Haïti, ainsi que par son faible taux de criminalité. Quelque 25.000 touristes avaient ainsi déambulé l'année dernière entre les maisons hautes aux piliers en fonte et la halle couverte du marché, construite en 1895 par "les ateliers et armureries de Bruges".
Et au ministère de la Culture, on veut croire que le projet de vols directs entre Jacmel et Miami verra bien le jour.
Mais "la hausse du tourisme était due aux beaux bâtiments. Si (les Jacmelliens) ne restaurent pas au moins les façades, le tourisme va vraiment en prendre un coup", pense Annie Nocentie, une journaliste américaine qui donne des cours à l'école de cinéma de Jacmel.
"L'économie locale a été ravagée. Cela va prendre des années pour que les gens se sentent suffisamment en sécurité pour revenir en Haïti", ajoute-t-elle, relevant également que Jacmel a non seulement perdu sa clientèle étrangère, mais que la cité a également été désertée par l'élite de Port-au-Prince qui venait se prélasser chaque week-end sur ses plages.
Pour l'un de ses étudiants, Bayard Jean-Bernard, 28 ans, l'esprit de Jacmel s'est éteint avec l'annulation du carnaval.
"On aime cet esprit, cette atmosphère. Elle nous manque cette année".
Andrew GULLY