Légende du Yidaki

Par Sandy458


Art Aborigène. Peinture contant des légendes du Temps des Rêves, photo de Shiftchange, wikimedia commons, domaine public.

D’après une légende orale aborigène.


Chaque clan natif australien est riche d’une légende sur le yidaki (aussi nommé mooloo, djubini, ganbag, gamalag, mago, maluk, yirago, yiraki ou encore de l’un de ses 50 autres noms et enfin,  didjeridoo selon l’appellation occidentale).
Bien qu’il n’y ait aucune source tangible de la date de sa création, on considère qu’il pourrait exister depuis une quarantaine de millénaires.

"Lorsque  Mère-Terre n’était encore qu’une enfant fragile et dépendante de la bienveillance des Temps du Rêve*, le monde flottait dans une émanation froide, au milieu d’épaisses ténèbres.

L’homme Bur Buk Boon, faisait partie des quelques créatures qui avait été façonnées à partir d’une poignée d’argile ocre et qui avaient été déposées au sol pour  préparer la venue de ceux qui ne tarderaient pas à peupler le monde.

Infatigable, il parcourait les longues plaines du bush en tout sens et partait de longs moments à la recherche de bois mort. Il assemblait son précieux chargement en fagot, le chargeait sur son dos et le ramenait à son campement.

Son objectif était d’assurer protection, chaleur et lumière à sa fragile parenté dont les membres n’étaient autres que les futurs bourgeons de l’humanité.

Car, si Bur Buk Boon était une âme simple, il n’en était pas moins pétri de bon sens et il ne concevait pas l’évolution du monde dans l’obscurité, la peur et le froid.

Songe après songe, rêve après rêve, les brindilles et les branches englouties par le feu de camp dispensaient leur bien-être tout en se consumant dans les craquements sonores.

Cette musique du feu repu ne laissait de ravir Bur Buk Boon.

Les siens, serrés tout autour de lui, allongeaient leurs membres bientôt enveloppés par la chaleur réconfortante et ils le remerciaient sans cesse de les aider à supporter l’austérité du bush.

Bur Buk Boon nourrissait son feu tant qu’il le pouvait, jetant jusqu’au moindre rameau et jusqu’à la plus petite parcelle d’écorce, soucieux de ne pas gâcher ce qu’il mettait tant de peine et de temps à ramasser.

Alors qu’il s’apprêtait à jeter sa dernière branche avant l’extinction du foyer, il remarqua que celle-ci émettait un son creux. L’observant sous toutes les coutures, il constata qu’elle était habitée par une famille de termites occupées à ronger le cœur de bois tendre jusqu’à ne plus laisser qu’un cylindre soigneusement évidé.

« Créatures, mes sœurs ! s’exclama Bur Buk Boon. Je ne veux pas vous faire de mal. Dîtes-moi comment vous ôter doucement de cette branche ?

-   Bur Buk Boon, Homme Bon, porte donc cette branche creuse à ta bouche et souffle doucement… » répondit la Reine des termites en agitant ses mandibules translucides.

L’homme réfléchit un court instant puis, il se décida à obéir au petit insecte qui attendait en grignotant le bois, confiant en sa sagesse.

Il se saisit de la branche et posa ses lèvres sur l’embouchure improvisée.

Entre ses dents, il laissa filer un souffle profond et ample, né au cœur de son abdomen.

Les termites furent alors projetées avec douceur dans le ciel désespérément vide et elles s’élevèrent de plus en haut, jusqu’à gratter la voute céleste de leurs pattes.

Faisant bruisser leurs puissantes maxillaires à l’unisson, elles se mirent à luire d’un éclat intense puis elles se figèrent sur place.

Libérées de leur état de petits insectes terrestres, elles venaient de donner naissance à la Voie Lactée.

Leur douce lueur illumina le bush, révélant l’étendue des plaines, des forêts, des océans et des terres par-delà les mers et les montagnes.

Envouté par la sonorité de son souffle faisant vibrer les parois de la branche vidée de ses graciles habitants, Bur Buk Boon s’assit confortablement sur la terre rouge du bush, entouré des siens, émerveillés. Il souffla sans faiblir, toute la nuit, tout le jour et une autre nuit encore, pendant ces phases de clarté et d’obscurité nouvellement imaginées.



Détail de l'un de mes instruments, bambou peint.
 


Pour la première fois depuis la création des Temps du Rêve, le son sacré du yidaki bénit Mère-Terre, toutes les créatures déjà créées et aussi celles à venir car, il était déjà rêvé que le son vibrant de la branche posée sur les lèvres de l’homme Bur Buk Boon devait continuer à se propager pour l’éternité."

Ecoutez-le !

Si vous faites silence dans votre âme et que vous ralentissiez le battement de votre cœur, vous pourrez percevoir la vibration primale qui vous relie à ce qui est, à ce qui a été et à ce qui sera.

* Temps du Rêve : la culture aborigène est fondée sur la notion du Temps du Rêve, le Dreamtime, le Tjukurpa et mille autres appellations.

Au début, la Terre était plate puis des êtres légendaires et mythiques en sortirent : Serpent Arc en Ciel, Crocodile, Eucalyptus (bois qui sert à produire les didjeridoo australiens), le Dingo et tant d’autres créatures.  Voyageant de part le continent, elles en ont façonné le paysage. Ces créatures continuent d’intervenir dans notre monde et apparaissent dans les rêves des Aborigènes. Les légendes du Temps des Rêves sont transmises de génération en génération à travers l’art pictural, le chant et la danse.