La science du médecin est de découvrir chez un patient, un mal dont tous les deux puissent vivre.
— [Albert Willemetz]
mar
28
2010
Par Suzanne Bissonnette
J’ai trouvé cet édito qui date d’un an déjà, mais qui me semble toujours d’actualité.
Après la grande séduction, préparez-vous à la grande saignée ! Plus de 3 700 spécialistes et omnipraticiens du Québec ont plus de 60 ans. C’est 21 % des médecins actifs. Théoriquement, ils prendront leur retraite dans la prochaine décennie. Ce sera la plus grande vague de retraites jamais vue. Et elle va faire mal si on ne bouge pas maintenant !
Dans une entrevue accordée à L’actualité médicale (publication de Rogers), le ministre de la Santé, Yves Bolduc, dit ne pas s’inquiéter: l’arrivée des nouveaux diplômés compensera les départs à la retraite. Le bon Dr Bolduc a toujours été optimiste. On ne le savait pas «jovialiste». Une bombe à retardement fait tic tac sous nos pieds. Deux éléments pourraient la déclencher: la féminisation de la profession et les différences de comportement entre la vieille et la nouvelle génération de médecins.
L’inquiétude s’est installée chez bien des médecins dans la mi-cinquantaine. Ils suivent souvent 1 500 patients, parfois jusqu’à 3 000. Ils ne veulent pas tous partir à la retraite à 65 ans, mais voudraient au moins diminuer leur charge. (Un sondage mené en avril 2008 auprès des membres de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec révélait que les deux tiers d’entre eux songeaient à prendre leur retraite entre 60 et 65 ans.)
Si vous avez un médecin de cet âge-là, soyez donc gentil avec lui, ne le sollicitez pas trop, apportez-lui des fruits et répétez-lui qu’il est bon de continuer à travailler après 65 ans. Certains de ses collègues travaillent encore à 80 ans!
Mais la relève sera-t-elle de cette trempe? Les jeunes ne veulent pas travailler 70 heures par semaine et fuient la pratique en cabinet, jugée trop lourde et contraignante. Sans compter l’éléphant qui est dans la pièce mais dont personne n’ose parler, sauf les plus braves: les conséquences de la féminisation de la profession. Désormais majoritaires dans les facs de médecine, les femmes ont un mode de pratique qui prévoit, pour beaucoup, du temps partiel ou des congés de maternité. S’il est légitime, ce comportement n’en réduit pas moins les heures consacrées aux soins des malades et aux autres tâches liées à la médecine.
L’appel de la Dre Monique Boivin pour que 50 % des étudiants soient des hommes a causé une onde de choc qui secoue le milieu.
Le Collège des médecins ainsi que la Fédération des médecins omnipraticiens et la Fédération des médecins spécialistes souhaitent que des plans d’aménagement de fin de carrière soient mis en place pour inciter les médecins à travailler quelques années de plus.
Le ministère de la Santé a accepté de lancer, en 2009, un projet-pilote qui permettra à des spécialistes de travailler à temps partiel dans un grand hôpital. La situation est en effet préoccupante: si tous les spécialistes du Québec qui ont droit à la retraite s’en allaient d’un coup, leur fédération perdrait 30 % de son effectif. À Montréal seulement, on prévoit perdre 500 spécialistes d’ici 10 ans.
Le Ministère étudie aussi d’autres options. Il offre déjà une prime de 8 000 dollars par année aux infirmières ayant droit à la retraite, mais qui acceptent de prolonger leur carrière de quelques années. Pourrait-on adapter le modèle aux médecins, payés à l’acte? Pas sûr. Quelques milliers de dollars ne résoudront pas le problème d’un médecin qui veut ralentir son rythme ou sa charge de travail.
Alors que les hommes québécois se décident enfin à se préoccuper de leur santé, comme le montre notre dossier, ce n’est pas vraiment le moment de manquer de médecins qui les encourageront à persévérer!
Allez, docteur Bolduc, cessez de voir tout en rose.
L’Actualité, édito de Carole Beaulieu - 2 Mars 2009
Sources et références pour cet article
- L’Actualité, édito de Carole Beaulieu - 2 Mars 2009
www.lactualite.com/20090302_132522_5964...