Thérèse... petit jeu d'écriture

Par Clarac
Gwénaëlle organise un petit jeu d'écriture. La consigne : prendre les dix derniers titres que l' on a chroniqués sur notre blog (ou que l' on a lus ). A l’aide de ces titres, écrire une histoire courte, un paragraphe, une chanson, un poème, un mode d’emploi (
Quel bonheur d'avoir écrit, merci Gwen!
Alors, bonne lecture !
Tout au long de l’année, je suis tranquille avec Thérèse. On est un vieux couple, et puis on a nos petites habitudes. Le matin, je laisse Thérèse à son ménage et à ses mots croisés. C’est sa passion, tous les jours, elle cherche des mots d’un air sérieux et appliqué. Je descends à la plage. Notre maison surplombe une petite plage pas celle qui est indiquée par l’office du tourisme et où tous les touristes viennent s’entasser l’été. Je me promène un peu le long des sentiers au bord de la maison. C’est qu’à mon âge, on se fatigue beaucoup plus vite Je ne m’éloigne jamais bien loin. Arrivé à la cabane d’Hippolyte, je rebrousse le chemin. Je passe à côté de la serre aux orchidées. Il n’en reste plus grand-chose. Les gamins qui s’y aventurent, ils s’y coupent avec tous les débris de verre. Il paraît qu’ils l’ont rebaptisée le magasin des suicides. Ah ben ça, c’est un nom !
Une fois rentré, je trouve souvent la voisine chez nous. Elle pavoise et surtout vient se faire payer à l’œil le café, j’écoute ce qu’elle raconte et ça me fait bien rire. Thérèse boit ses paroles, alors l’autre évidemment, elle en rajoute exprès. Je ne l’ai jamais aimé cette bonne femme, une fouineuse, une de ces femelles acariâtres à la langue pendue. D’ailleurs, je me demande si sa salive n’est pas toxique comme du venin. Il faudrait faire attention à ses postillons qu’elle propulse dans l’air à chaque fois qu’elle ouvre la bouche. En plus, elle se permet de se mêler des affaires qui ne sont pas les siennes. Je ne suis pas sourd, j’entends bien quand elle dit à Thérèse :
-Tu devrais penser à toi maintenant. Regarde-moi, je pars en vacances chez mon fils …Tu verrais comment ça fait du bien de voir autre chose et puis, on a le bien le droit de penser un peu à soi à notre âge. Hein ? Pour l’aller, je vais avec mon fils et pour le retour je fais Paris-Brest en train.
Elle n’attend pas la réponse de Thérèse, oh non, elle pioche dans boîte en fer à gâteaux et avec un air prétentieux, elle nous décrit pour la centième fois comment c’est beau chez son fils. Et elle mouline des bras, c’est qu’une fois lancée dans sa tirade, on en a pour un bon bout de temps ! Quand elle a bu son café, elle remue l’anse de sa main ridée pour que Thérèse la resserve. C’est un vrai moulin à paroles, une locomotive de la vanité et des exagérations ! Du canapé, je baille pour lui faire comprendre que ce sont des foutaises. Alors, elle me regarde avec ses yeux de pie et parle d’un ton plus bas pour pas que j’entende. Je suis plus tout jeune, c’est sûr, mais je ne suis pas encore sénile.
-Mon petit-fils qui est en Amérique et bien, il a une amie ! Figure-toi qu’elle m’a dit au téléphone happy birthday grand-mère, je suis sûre que c’est une fille polie et bien comme il faut. Tu aurais dû entendre comment elle me l’a dit, ça m’a fait un grand coup dans le cœur. J’ai eu le cirque chaviré !
-Non, on dit le cœur chaviré.
-Oh, je sais… mais je préfère cette expression. Bref, pour en revenir à mon petit-fils, son amie quand elle aura terminé ses études et ben, elle voudrait qu’ils se marient. Ainsi rêvent les femmes d’aujourd’hui. C’est une autre génération…elles sont bien plus dégourdies que nous.
Thérèse sait qu’elle va nous raconter sa jeunesse, son mariage. Alors, elle lui dit gentiment :
-Marie, je dois aller promener Robert.
-Ah, comme si ce chien n’était pas capable de se dégourdir les pattes tout seul ! Tu t’embêtes avec lui !
Thérèse me regarde les yeux embués :
-Non, on est bien tous les deux. Hein, mon Robert ?