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Cléopâtre et Astérix

Publié le 28 mars 2010 par Desiderio

Poursuivons la série de billets au sujet des couvertures d'albums de BD particulièrement remarquables. Voici celle du livre qui a vraiment lancé la série dans le grand public en 1965, juste après le Tour de Gaule qui était déjà un succès.

Quelles remarques faire ? D'abord typographiques : le nom d'Astérix a toujours été au centre et dans une forme Word-Art avant l'heure. On est loin de l'école Hergé qui privilégie une police plus simple et souvent dans un cartouche. Le nom du personnage est écrit de manière convexe et cela possède un sens : les références de Goscinny sont cinématographiques. Il s'est nourri du cinémascope et nous sommes devant un film technicolor. Le nom du personnage a été aussi soigneusement choisi pour figurer en tête de liste et nous n'avons donc pas affaire à "Une aventure d'Astérix" comme nous aurions "Une aventure de Tintin" ou "Une aventure de Barbe-Rouge". Nous sommes déjà passés dans le monde moderne du marquetingue  et Goscinny savait se vendre au meilleur prix parce qu'il connaissait la valeur de ce qu'il produisait.

Ensuite, nous pouvons voir des caractères qui ont une apparence comme gravée dans du marbre. Cela donne un aspect antique à la chose, mais Uderzo avait déjà commis ce genre d'analogie graphique dans Astérix et les Goths. Il récidivera souvent ensuite, avec les Normands, aux Jeux olympiques, etc. Ce n'est pas follement original, mais il y a une possibilité de voir les lettres déformées comme des ersatz de lettres grecques et c'est un peu embêtant. On rajoute donc à gauche deux chandelles avec des hiéroglyphes incompréhensibles dans des cartouches verticaux (et non horizontaux, toujours le souci de se dissocier de l'école Hergé). Cela donne l'aspect égyptien un peu plus sûr. La couleur des cartouches fait raccord avec le nom des auteurs, le coussin de Cléopâtre, sa robe et puis les braies ou le casque d'Obélix.

Maintenant, examinons la construction du titre : sur 24 albums, Goscinny a employé 13 fois la forme "Astérix et" ou "Astérix chez". Il l'évite lorsque la série est bien installée et devient populaire. Ce n'est pas anodin, Hergé avait procédé de la même manière au début de Tintin, il n'y est revenu que dans Tintin au pays de l'or noir dans une période critique et Tintin et les Picaros, Tintin et l'Alpha'Art à la toute fin lorsqu'il sentait que le monde changeait. Marteler le nom du personnage est une façon de l'imposer comme une marque.

Examinons à présent le dessin qui est le seul dessin de couverture en format réduit de cette collection. Nous sommes frappés d'abord par l'énorme présence de blanc dans la couverture. Ce n'est pas très habituel en bande dessinée, mais cela donne une allure un peu gallimardesque à un album de petits mickeys. La présence du blanc est là comme une tentative de légitimation d'un art populaire. Ensuite, le dessin reprend en fait une des affiches de la Cléopâtre de Mankiewicz. Cela explique le format inhabituel de la vignette qui est prise tout en longueur, comme si elle avait été prise dans un film en panoramique. Les deux héros encadrant Cléopâtre évincent Panoramix qui est pourtant le troisième larron gaulois de l'histoire. L'histoire reprend d'ailleurs une foule de cadrages, voire de scènes venant du film de Mankiewicz (le sphynx sur roues servant de carrosse, les perles dans le vinaigre, la prosternation de Numérobis devant Cléopâtre sur son trône surmonté d'une image de dieu animal).

Quand on regarde le texte assez inhabituel pour une BD, on trouve une sorte d'argumentaire de film à grand spectacle et cela a été précisément l'argument de vente du Cléopâtre de Mankiewicz qui devait enterrer Autant en emporte le vent ou les Dix Commandements ou Ben-Hur dans la surenchère. Plus de millions de dollars, plus de figurants, plus de jours et de lieux de tournage ! C'est de la grande parodie de péplum, mais aussi une opération d'auto-promotion pour valoriser la série. Ce qui est comique, c'est que cela avait été commencé par une annonce dans le journal Pilote et alors, patatras ! Erreur de syntaxe, "la plus grande aventure qui n'ait jamais été dessinée". Je suppose que Goscinny avait laissé Uderzo libre de son texte et de son illustration, mais il a repris la main après pour l'album. Le dessin a été aussi revu


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