Magazine Science & vie
Lorsque l'on parle d'éthique et de sciences, une des démarcations importantes est le paralogisme naturaliste. La confusion entre une description des faits (si tu me frappes, cela me fait mal) et une description des valeurs (me frapper, c'est mal). Savoir reconnaître cette erreur est utile. On la croise très souvent. Cela donne des mauvaises excuses comme 'tout le monde le fait, donc ce n'est pas grave' ou 'il est naturel d'être violent/peureux/raciste/volage/monogame/réticent à manger des légumes et donc c'est ainsi qu'il faut être'. Je vous choisis exprès des exemples où l'erreur est évidente, mais elle ne l'est pas toujours et cette distinction est souvent bonne à rappeler.
Sur cette base, certains ont déduit qu'il était impossible de fonder des normes, ou des valeurs, dans des faits. Bien sûr ils admettent que des faits sont pertinents pour nos raisonnements moraux: si nous étions incapables de souffrir, peut-être ne serait-il pas mal de nous frapper. Mais ils maintiennent que, fondamentalement, les valeurs sont radicalement différentes des faits observables, voire du monde naturel, et qu'elles ne sauraient être déduites de l'un ou de l'autre.
D'autres ont rétorqué que les valeurs étaient ancrées dans des fait naturels, et pouvaient être expliquées dans ces termes (un exemple est ici). Certains se sont aussi demandé, si les valeurs n'étaient pas des 'ingrédients' naturels du monde, d'une manière ou d'une autre, comment cela se fait que nous soyons capables de les percevoir et de les prendre parmi les causes de nos actions?
Bref, si la distinction de base tient clairement la route, il y a controverse sur l'étendue de ses conséquences.
La vidéo qui ouvre ce message en est un exemple. Sam Harris, qui a un doctorat en neurosciences mais qui est surtout connu comme un des défenseurs du scepticisme scientifique, y défend une version de la contribution des sciences à l'éthique. L'étape intermédiaire en est le lien entre l'éthique et ce que les anglo-saxons appelles human flourishing. En français on dit 'bonne vie humaine', mais le terme est moins satisfaisant. Il ne s'agit pas ici d'abord d'une vie vertueuse, mais d'une vie propre à mener à une existence pleine et riche. L'image qui vient à l'esprit est celle d'une plante qui pousse, s'étend, fleurit, bref se porte bien au sens le plus large du terme. Une présentation contemporaine d'une éthique basée sur l'eudaimonia antique, à l'exemple de celles d'Aristote ou des Stoïciens.
Mais regardez la vidéo. Et puis vous me direz ce que vous en avez pensé...