Carton plein, vendredi soir, aux Vaches Folks. La petite salle polyvalente de Cast était pleine comme un oeuf, ou presque, pour le concert de la chanteuse amérindienne Pura Fé et de son incroyable guitariste Danny Godinez. Roger Mauguen et Eric Bert, coorganisateurs de ces soirées, ne cachaient pas leur satisfaction de voir la foule au rendez-vous. Et pas n'importe quelle foule : visiblement, les amateurs de blues s'étaient donné le mot, ne souhaitant pas manquer ce qui s'annonçait comme l'un des événements musicaux de l'automne.
Le collectif "Tribute" a quitté la scène depuis une petite demi-heure et le public retient son souffle. Guette la porte de la loge, espérant en voir sortir le duo si attendu... Mais Pura Fé n'est pas toujours là où on l'attend. La voilà qui surgit du fond de la salle, parée d'un foulard noir aux broderies chatoyantes, blue jeans et santiags à franges, sa guitare "lap steel" sous le bras. Elle se fraye un passage jusqu'à la scène, jette un regard un peu timide vers le public et le salue en français. Tandis qu'elle prépare sa Weissenborn, Danny Godinez la rejoint, bonnet de laine vissé sur la tête et grosse écharpe autour du cou. C'est qu'il ne fait pas très chaud, ce soir, à Cast. Mais heureusement, la musique faisant très vite son office, quelques minutes suffiront pour réchauffer la salle.
Un hymne iroquois en ouvertureFidèle à ses origines iroquoises, Pura Fé entame le concert en interprétant a cappella un chant traditionnel Tuscarora. Une façon de nous rappeler, aussi, qu'elle fut pendant vingt ans l'une des pierres angulaires du trio vocal amérindien Ulali, une formation qui a fait plusieurs fois le tour du monde. La voix est juste et rauque, étonnamment puissante. Le ton est donné pour le reste de la soirée. Pura Fé égraine ensuite les chansons de son dernier album, "Hold the rain", puis celles de son premier opus "Tuscarora Nation Blues". Pour "Summertime", ce classique entre les classiques que Pura Fé a maintes fois vu sa mère interpréter, elle qui chanta pour Duke Ellington, l'Amérindienne se lève. La salle reconnaît le standard de Gershwin, s'enthousiasme pour cette séquence d'émotion pure.
Le miracle d'une rencontre
Aux côtés de la chanteuse, Danny Godinez épate. Son jeu de virtuose est brillantissime. Le musicien parvient à sortir un son de chaque partie de son instrument. Au milieu de la soirée, Pura Fé lui donne carte blanche pour un solo improvisé qui réjouit tous les amateurs de guitare. En plus d'être un prodigieux guitariste, Danny Godinez possède une maîtrise époustouflante des effets sonores. On ne peut que se réjouir du miracle de cette rencontre entre les deux artistes. Ils jouent en parfaite symbiose, tant du point de vue instrumental que vocal. "Au moment où j'ai rencontré Danny, il y a un peu plus d'un an, je m'apprêtais à recruter un autre guitariste", nous confiait récemment Pura Fé, "finalement, quand j'ai entendu jouer Danny, j'ai tout de suite voulu qu'on travaille ensemble". La collaboration a été particulièrement fructueuse puisque Danny Godinez a signé plusieurs des plages du plus récent album de la chanteuse, parmi lesquelles la pépite "Let heaven show".
Plongée en apnée
Lorsque les artistes terminent leur set, la salle applaudit à tout rompre. Ce public ultra-réceptif qui, à plusieurs reprises durant le concert, a été invité à reprendre en choeur les incantations quasi-chamaniques de l'Amérindienne. Pura Fé et Danny Godinez sont à peine sortis de scène qu'ils acceptent de revenir pour une longue improvisation voix-guitare, qui démontre une fois de plus les étonnantes capacités vocales de la chanteuse et l'extraordinaire habileté de son guitariste. Lorsque le concert prend fin, la salle peine à retrouver son souffle, après pratiquement deux heures de plongée en apnée.
LA SOIREE EN IMAGES





