Hier et aujourd’hui à Tahiti

Publié le 28 mars 2010 par Argoul

Dans les années 60, un Britannique épousa V. à Tahiti puis emmena sa jeune épouse en voyage de noces à Paris. « Il avait tout payé, j’étais en tailleur, hauts talons, enfin une presque popa’a pour déambuler dans les rues de la capitale française. Je n’avais pas l’habitude d’être endimanchée, voire déguisée en popa’a. Docile, je suivais mon maître et seigneur. Mes pieds me faisaient horriblement souffrir enfermés dans ces grôles. Je me souviens très bien, nous longions les quais de Seine, c’était magnifique, la Seine, les immeubles. Mes pieds étaient de plus en plus douloureux, alors j’ai ôté mes chaussures, je les ai tenues à la main et j’ai marché sur les trottoirs. Mon époux s’est vite détourné de moi, a pris trois ou quatre mètres d’avance. Les Parisiens regardaient cette sauvageonne bronzée, à la tignasse frisée noire, drapée dans un tailleur cintré marcher pieds nus. Ils se retournaient pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas. Je n’en avais cure… J’étais à l’aise, c’était bon de sentir le sol sous mes pieds enfin libérés. Les Parisiens, bien habillés et chaussés ne marchaient pas en savates ! » V. est la vahine au fare décoiffé par Oli.

« Quand il y avait du taofe a faa’a… » C’est un vieux monsieur de plus de 90 printemps, excellent chanteur, oncle d’une de mes connaissances, qui s’exprime. Enfant, il participait aux travaux dans le fa’a’apu (plantation), allait à l’église avec des chaussures et vêtements trop grands. Afin de faire des économies la maman les achetait en surtaille pour qu’ils durent plus longtemps. Le vieux monsieur se souvient qu’ils allaient à la messe pieds nus et enfilaient à la porte de l’église leurs chaussures. Pour sa première communion, il portait des chaussures bourrées de papier qui faisaient « cloc-cloc » en marchant. La famille vivait des ressources du fa’a’apu, et n’achetait que l’indispensable, la farine et le sucre. On élevait des poules, des cochons, des bœufs.

« Sur les hauteurs, dans le fa’a’apu on cultivait le taofe (café). Quand le taofe devenait rouge, on récoltait. On mettait le café récolté dans un umete (grand plat en bois), on l’écrasait avec un penu (pilon de pierre) pour enlever la peau. Avec les mains on finissait le travail, sous un filet d’eau. Ensuite, on le mettait au soleil pour faire sécher la deuxième peau. On le sortait tous les jours sur son sac pour qu’il sèche bien. A nouveau déposé dans un tissu, on le frappait encore avec le penu, puis on soufflait dessus pour enlever la peau. Mis de côté, en fonction des besoins on le torréfiait. Déposé dans une poêle, sur un feu doux, on le remuait pour qu’il grille sans brûler. On déposait un peu d’huile avant de le cuire. A la fin de la cuisson, on déposait un peu de beurre, si on en avait, pour amplifier les arômes. Le café, c’était le matin. Le premier jet pour les parents. Ensuite le café plus clair était pour les enfants. Tous les matins, nous buvions du café frais ! Heureuse époque ! Selon Maxime tane oui, et de clore ce récit par une chanson.

La Poste polynésienne est probablement la plus chère au monde. Il n’y a pas de distribution postale ici, il faut souscrire un abonnement à une boîte postale. Une petite BAL doit suffire pour la majorité des habitants, mais la Poste ne distribue que des grandes boîtes. Pourquoi ? « - Ben, ça rapporte plus. » Une boîte postale (petite) coûte 2800 FCP/an, (23€)  la grande 5500 FCP/an (46 €). Y a pas photo ! Il y a cinq ans que je réclame une petite boîte car je ne suis ni ministre, ni membre de l’Assemblée de Polynésie, je reçois très peu de courrier. On me répond que puisque j’en ai UNE pourquoi j’en demande une autre ? Lorsque je réclame par écrit on ne me répond pas. Allo service public, il y a quelqu’un ?

J’avais déjà évoqué le prix de l’abonnement et des communications téléphoniques fixes ainsi que MANA, le distributeur d’Internet polynésien. Imaginez que vous ayez un téléphone portable, vous n’avez pas choisi l’abonnement mais la carte. Jusqu’à fin juin 2009, les cartes à 500 (4 €) et 1000  FCP (8€)  pour rechargement étaient valables 15 jours et un mois pour recevoir et émettre des appels, plus 6 mois en réception seule. Depuis janvier 2010, il y a de nouvelles conditions : toujours 15 jours ou un mois, mais seulement 3 mois en réception seule après avoir épuisé le montant du rechargement. Evidemment Vini n’en a pas parlé, il fallait seulement lire au dos de la carte de rechargement ! Vini est le monopole du téléphone portable ici. Il est très certainement le plus cher au monde, ses tarifs scandaleux ont été soulignés par la Chambre des Comptes mais rien n’a changé. Ah ! si, en pire : ce que je viens de vous relater !

Sabine