La presse, qui doit trouver qu'il n'y a pas grand chose d'intéressant à raconter en ce début de printemps morne comme un dimanche d'abstention aux régionales, fait ses gros titres sur la création d'un parti politique nouveau, par l'homme qui n'a jamais été élu nulle part, Dominique de Villepin, qui se pose en opposant de droite à Nicolas Sarkozy. Ah bon ?
Je m'en fiche, mais j'en parle quand même
Je dois dire que cet événement majeur n'aurait pas déclenché en moi la moindre envie de pondre la plus petite ligne de ces commentaires fins et délicats dont certains raffolent, si ce n'était le besoin impérieux d'optimiser le rapport fatigue sur mises à jour de ce blog, dont la production de longues notes documentées a dû, vous vous en êtes aperçus, se ralentir, mon corps de quadragénaire me rappelant que bloguer après 23h45 est cause de surmenage et de décrépitude linguistique. Alors, un sujet facile comme celui ci, permettant de mettre en ligne à bon compte une dizaine de paragraphes sans trop me fatiguer, je ne pouvais le laisser passer.Sur le papier, la création d'un parti par son altesse Dominique de Villepin, ça en jette. On allait voir ce qu'on allait voir. "Un parti de droite d'opposition à Sarkozy", entendait-on. Un parti de rupture ? Une offre neuve capable de révolutionner le landernau politique et de ramener le sourire sur les visages fermés des abstentionnistes désabusés qui pensent que de toute façon, plus ça change et tout est pareil ?
Hélas, la lecture des comptes rendus de presse des dernières prestations publiques du sieur de Villepin, voire la pénible audition de 35 minutes de discours d'une insigne médiocrité, nous ramène à la morne raison du ras des pâquerettes de la pensée unique de la classe politique franchouillarde, pour laquelle l'expression "volonté réformatrice" se résume souvent à "communication maximale et adaptations marginales" des lois et modes d'actions politiques existants.
Soulevons un sourcil
Pourtant, cela commençait plutôt bien. Selon le Figaro, dans une "esquisse de programme" - Savoir se faire désirer, règle numéro un du marketing politique - l'ancien premier ministre a commencé par affirmer que :
Ce ne sont pas les conciliabules, les aménagements techniques, des changements de personnes qui sont attendus, a-t-il affirmé, estimant que seul un changement de cap permettra de sortir d'une crise à la fois sociale, économique et culturelle.
Tiens, enfin la rupture, la vraie ? Avec un zeste de libéralisme dedans ?
Et un socialiste, un !
Mais ensuite, cela se gâte. Très vite, M. De Villepin, en bon bonapartiste, dévoile ses vraies convictions profondes:
"Il faut revenir aux fondamentaux de la France. C’est la République, c’est la Nation, c’est l’Etat"
Aïe !
"On ne peut pas rompre avec la France et son pacte social conclu au lendemain de la guerre" .... "mon mot d'ordre, c'est la république solidaire"... "il faudrait un grand débat sur le service civique"... "Une France ou le pouvoir d'achat est menacée par la mondialisation" ... "défendre le modèle Français"... "garantir une sécurité professionnelle avec les partenaires sociaux"... "Une vraie politique de formation, comme les contrats de transition professionnelle"... "Il faut dessiner un modèle économique"...
Ce galimatias dirigiste et bien sirupeux de bonnes intentions "solidaires" et "citoyennes" ne marque pas la moindre rupture avec les cinquante années de politiques central-dirigistes, dont le sieur Villepin fut un acteur parmi d'autres. Il ne nous épargne aucun des poncifs que toute la classe (?) politique nous régurgite ad nauseam, le propos de M. de Villepin suinte des mêmes grosses ficelles éculées propres aux énarques besogneux dont la médiocrité empeste l'air de nos ministères. "Ah que non, il est trop tôt pour dire que je serai candidat en 2012", "mon projet est d'abord celui d'une conviction pour la France"... De la ringardise à l'état pur, mais habillée en Cerutti.
Economie
Nous apprenons que M. De Villepin est contre le bouclier fiscal. On peut discuter à l'infini des modalités de ce bouclier, auquel eut été largement préférable une réforme réelle de la fiscalité marginale et de l'ISF, mais enfin, je ne vois pas comment faire payer plus d'impôts à ceux qui pourraient investir les incitera à le faire, du moins sur notre territoire. Il veut augmenter les plus hautes tranches d'IRPP et imposer une "surcote" de 15% sur l'impôt sur les sociétés. Sans doute pour augmenter leur compétitivité et les inciter à investir plus en France ?
Puis il s'élève contre le "non remplacement d'un fonctionnaire sur deux", avec l'argument qui tue:"Est-ce que les Francais veulent moins d'infirmières, moins d'enseignants, moins de policiers ?" - Chassez le démago par la porte et il revient au galop par la fenêtre, le prêt à penser fonctionnariste au fusil.
Non monsieur, les français veulent "une meilleure santé, une meilleure éducation, moins d'insécurité". Naturellement, cinquante années et plus de lobotomisation socialisante a mis en tête d'une bonne partie d'entre eux que les résultats étaient dépendants de la quantité de moyens déployés par l'état pour y parvenir.
Les premiers propos de M. de Villepin laissent craindre qu'il ne lancera point de débat sur la nécessité de maintenir ou pas certaines de ces fonctions dans la sphère publique, ou sur l'obésité du "back office" administratif, essentiellement bureaucratique et sans grande valeur ajoutée, dans la fonction publique de notre pays, que je n'ose plus qualifier de beau qu'après quelques verres de Coteaux du Layon, tant la réalité est de moins en moins belle que l'image pourtant liquoreuse à souhait héritée d'une histoire chaotique mais riche et d'une géographie éminemment favorable.
Tout et son contraire
M. de Villepin, certes, évoque la nécessité d'en finir avec les injections de milliards tous azimuts, et la lutte contre les déficits. Il n'a certes pas tort. Mais après avoir critiqué les restructurations dans la fonction publique, cette tirade manque pour le moins de crédibilité. Sauf, bien sûr, à ce qu'il dispose dans ses cartons d'une formule magique permettant de calmer l'accéléromètre de nos déficits et de notre dette sans remettre en cause l'omniprésence du secteur public dans la vie française. Il est sans doute également en possession de la pierre philosophale qui transforme les hausses d'impôts sur la réussite en fleuves de success strories entrepreneuriales.Mais comme il affirme lui même ne disposer d'aucune baguette magique, la conclusion qui s'impose est que Dominique De Villepin n'a rien de plus à apporter à la politique que les autres, que son projet, c'est "la même chose que tout ce qu'on a déjà essayé, mais en mieux parce que je suis plus intelligent, beau et sympa", et que sa démarche est purement "présidentialiste".
Questions de société
Il critique également la radicalisation policière de l'état Sarkozien, entre gardes à vue, Loppsi et autres mesures impopulaires du gouvernement en place. Fort bien, je ne puis qu'approuver, mais il réussit l'exploit de ne pas donner la moindre piste de réforme dans les 35 minutes de vidéo que vous pouvez voir derrière ce lien (57 avec les questions), si vraiment vous n'avez rien d'autre à faire.
Dominique de Villepin: comme Bayrou, mais sans la sauce béarnaise.
Allons bon, à quoi bon revenir en politique si ce n'est pour singer tout ce que font déjà les Aubry, Bayrou, Sarkozy et consorts ? Croit-il que c'est avec cela qu'il va faire lever de leur fauteuil les abstentionnistes qui ont manqué à la droite dimanche dernier ? Il n'a pas tiré les leçons de la désintégration en vol des ambitions d'un Bayrou ?Même s'il est trop tôt pour déduire de ce lancement pour le moins mollasson ce que sera le parti-qui-n'a-pas-encore-de-nom de M. de Villepin, le moins que l'on puisse dire est que cette première sortie ne laisse rien augurer d'intéressant pour la suite. Dans la continuité de son immobilisme primo-ministériel quand il officiait sous l'aile fort peu audacieuse de Jacques Chirac, M. de Villepin fait du Bayrou sans la sauce béarnaise, en plus parisien et gominé, et avec autant de charisme, c'est (très) peu dire. Aucun intérêt quant à la diversification de l'offre politique dont nous aurions pourtant bien besoin.
Bref, la "Nouvelle Droite Socialiste et Conservatrice" qui ne veut faire de peine à personne et réformer sans rien changer du "modèle" que personne ne nous copie, très peu pour moi.
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Et puisqu'on parle de politique...
J'invite
tous ceux de mes lecteurs qui attendent autre chose d'un parti
politique à soutenir le Parti Libéral Démocrate ou Alternative
Libérale, au choix. Oui, je sais, c'est groupusculaire en diable et un
peu immature, tout ça, et d'un amateurisme parfois touchant, surtout
dans la désunion, qui n'est pas sans rappeler les élections au premier
secrétariat du Parti Socialiste...
Mais ce n'est pas en restant le cul
dans un fauteuil à critiquer ceux qui essaient de faire bouger les
choses qu'on pourra espérer être autre chose qu'une communauté Facebook
de vieux libéraux grincheux dans 20 ans.
Donc merci de nous épargner les "oui mais gnangnagnan ils sont trop-pas-assez-libéraux-conservateurs-idéalistes-pragmatiques-désunis-jeunes cons-vieux-grincheux-ouiin-ouiin-et pis-lapolitique-c'est-mal-gnagnagna-etjaime pas-untel-trop-bourge-et-unetelle-trop-psychorigide-et-untel-trop-intello-et-untel-trop-proched'untel-blablabla", que j'entends dès qu'il est question de faire du libéralisme autrement qu'entre copains au bistrot, et ENGAGEZ VOUS, BORDEL ! A vos portefeuilles, et au boulot dans les sections locales !
Les seules organisations libérales assumées ont besoin de monde pour pouvoir peser sur le débat politique. Du nombre viendra l'énergie qui nous fera changer le cours catastrophique des choses.----------------------