Dior s’est séparé, le temps de l’expo, du banc feuilles de ginkgo en bronze, que Claude a conçu en 2007 pour la boutique de l’avenue Montaigne. De magnifiques amaryllis rouge vermillon composent un splendide bouquet. L'artiste aime particulièrement le ginkgo qui est un arbre fossile, seul rescapé des bombardements atomiques de Nagasaki.
La scénographie imaginée par Peter Marino fait vivre l’univers si particulier des artistes en installant leurs œuvres dans une sorte de château imaginaire un peu magique, directement inspiré par l’exposition qui a eu lieu au château de Chenonceaux en 1991. Il faut dire que cet homme connait bien les artistes dont il est un grand collectionneur et qu’il a fait découvrir à des clients prestigieux. Il n’a pas hésité à végétaliser les espaces presque à l’excès. Levez la tête vers les corniches pour en juger : des pigeons y sont même postés en vigie.
La cour du château a été investie par un troupeau de moutons. François-Xavier avait commencé la série en 1965, et ils étaient alors en ciment et en bronze patiné.
François-Xavier a souvent travaillé les séries, avec d’infimes détails de différenciation. Le mouton marron foncé a des proportions différentes. Il me rappelle le mouton noir que la princesse Diana avait tricoté sur un pull parmi un troupeau de blancs.
Le grand bassin, rectiligne, accueille le jumeau de l’hippopotame acheté par la fille de Marcel Duchamp pour en faire sa salle de bains. La gueule s’ouvre sur un lavabo et l’arrière-train devient baignoire. Il rappelle l’hippopotame de terre cuite émaillée bleue qui se trouve aux Antiquités du Louvre où François-Xavier fut gardien. L’ibis est une autre référence au répertoire égyptien.
A l’instar des mots-valises, ces néologismes nés de la fusion entre deux termes (par exemple information et automatique pour informatique) les sculptures de François-Xavier sont des jeux de mots grandeur nature. Le fauteuil crapaud a nécessairement un dossier bas, des formes arrondies et des pieds invisibles. A première vue c’est là une grenouille …
A l’exception de l’hippopotame et du crapaud François-Xavier refuse les matériaux modernes et revendique le travail avec la matière qu’il aime transformer. Il avait épousé en premières noces une parente éloignée de Pompon qui l’a inspiré. Mais si l’animal sculpté par Pompon semble stoppé net dans son élan, on dirait chez Lalanne qu’il va se mettre en mouvement.
Un autre sculpteur a exercé une influence. C’est Brancusi qui fut son voisin d’atelier, à Montparnasse et qui le fit bifurquer vers la sculpture en 1952, délaissant la peinture qui était sa formation initiale. Il lui doit son goût pour les formes rondes et épurées de ses formes.
Quelques commandes publiques sont exposées, comme le canard aux nénuphars (en 1978 pour Sèvres) qui est un surtout destiné à décorer un centre de table. Très populaire de Louis XIV au second Empire, ce type d’objet a été ensuite remplacé par le serviteur, de taille plus modeste.
Il pratique la métamorphose utilitaire (l’hippopotame salle de bains, le lit oiseau, les toilettes mouche …). La sienne est plus onirique (le chou pattes, le fenouil main, la pomme en morceaux intégrant une montre, les chaussons-pieds, cette pomme encore marquée par l’empreinte d’une bouche interrogeant sur la finalité : parle-t-elle ou est-elle croquée ?).
Les références de Claude sont des hommages à Dali, à Magritte, à Lewis Caroll, à Claude Gallée. On est tenté de lui attribuer la même devise que lui qui disait : mon atelier c’est mon jardin. Mais elle refuse toute parenté avec l’Art nouveau alors qu’elle démarre sa production artistique au moment même où l’on redécouvre le mouvement, dans les années soixante.
Leur maison était constamment animée de cris d’enfants et Claude se laissait inspirer par eux. Elle a sculpté sa petite fille Olympe, fait un trône pour Pauline et les couverts sortis de son imagination ont séduit Dali.
On peut voir un autre bar célèbre, qui appartient au mobilier national. C’était Georges Pompidou qui en avait demandé la réalisation en collaboration avec la manufacture de Sèvres. L’œuf des autruches renferme la glace.
J'avoue ne pas avoir été convaincue par la chatte-poisson-truie qui a servi de bar à Gilles Aillaud, ni par la sauterelle-bar qui fut offerte à la reine d’Angleterre, ou la boite à sardines-divan, ni même par l'âne-secrétaire (le secrétaire dos d’âne est aussi pourtant le nom d’un type de meuble). Je préfère l'oiseau-siège de marbre provenant du jardin d’Yves Saint Laurent
Tout cela se regarde, s’admire et fait rêver.
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