Aujourd’hui nous sommes en plein paradoxe. D’un côté nous sommes remplis de joie. Quand Jésus entre à Jérusalem, de grandes foules se réjouissent. Le voilà enfin, le Sauveur tant attendu ! Le Messie est là ! La Rédemption est en cours.
Mais de l’autre côté, nous avons entendu le triste récit du Seigneur rejeté, souffrant, mis à mort: c’est la Passion. Le dimanche des Rameaux est aussi le dimanche de la Passion. C’est un moment solennel, empreint de gravité.
Comment donc un jour de victoire peut-il être en même temps un jour de joie et de souffrance? Parce que ce qui apparaît comme la défaite du Christ est en réalité sa victoire, la victoire de l’amour éternel.
« Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 13)
C’est ce que Jésus avait enseigné, et c’est ce qu’il a pratiqué dans sa passion, pour nous donner l’assurance sans aucun doute possible que son amour pour nous est sans bornes. Les anges avaient chanté : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » au moment de la naissance de Jésus à Bethléem. A présent, lorsque Jésus entre à Jérusalem, c’est la foule qui chante :
« Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! »
Ces deux "entrées" avaient pour motif l’amour de Dieu, ce même amour qui a amené Jésus à être obéissant au Père jusqu’à la croix, pour racheter la désobéissance d’Adam, payer le prix de nos péchés, et sauver l’humanité du désespoir et de l’injustice.
Voilà donc la solution du paradoxe. La source de notre tristesse, c’est notre péché, qui est la cause de la souffrance du Christ. Mais la source de notre joie, c’est l’amour du Christ, la raison même pour laquelle Jésus était prêt à souffrir, et la puissance qui, par le sacrifice de la croix, remporte la victoire sur le mal. De cette manière, les chrétiens peuvent toujours vivre le paradoxe du dimanche des Rameaux, et peuvent toujours trouver la joie, la joie de l’amour infini du Christ, en proie aux douleurs les plus atroces.
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Il est toujours plus facile de refaire le match (sur un plateau de télévision ou dans un bistrot) que de le jouer. Et avant le match, même s’il y a un favori, on ne sait jamais d’avance avec certitude qui va gagner. Dieu seul connaît notre avenir avec précision. Mais par le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, il nous en a déjà révélé les grandes lignes. Nous savons que, tant que nous demeurons unis au Christ par la prière, les sacrements, et l’obéissance à sa volonté, toutes nos croix, nos souffrances, nos échecs et nos déceptions seront transformés en résurrection. Cela nous donne une sagesse et une force dont nous avons besoin tout au long de notre vie sur terre.
C’est ce que Benoît XVI explique dans sa dernière encyclique, Spe salvi (Sauvés dans l’espérance). Dans cette lettre il explique que la foi est l’espérance. La Bible dit que
« La foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître les réalités qu’on ne voit pas ». (He 11, 1)
Notre Pape décrit ce que cela veut dire au niveau pratique. Il explique :
« Par la foi, de manière initiale, nous pourrions dire "en germe" … sont déjà présents en nous les biens que l'on espère – la totalité, la vraie vie » (Spe salvi 7).
En d’autres mots, notre foi au Christ nous donne la certitude que ses promesses de guérison, de justice, de bonheur sans fin se réaliseront, tout comme sa résurrection s’est déjà réalisée. Ainsi, grâce à cette certitude, nous pouvons faire dès maintenant l’expérience de cette plénitude de vie, même si nous devons encore porter notre croix dans ce monde où règne le péché. Plus notre foi dans le mystère que le Christ nous a révélé – la vie éternelle et la résurrection des morts - est profonde, plus nous pourrons trouver du sens dans notre passé, de la joie dans le présent, et de la confiance pour aller vers l’avenir, avec cette vision, non pas rétroactive mais prospective, de l’espérance chrétienne, toujours centrée sur le Christ.
Comme le disait Jean Paul II, le chrétien fait mémoire avec gratitude du passé, vit avec passion le
présent, et s’ouvre avec confiance à l’avenir (cf. Novo millennio ineunte 1). Ou, comme le dit Oogway, la tortue, dans Kung Fu Panda, en s’inspirant sans doute d’une
parole de E. Roosevelt, le passé est de l’histoire, l’avenir un mystère, le présent est un cadeau. C’est pourquoi on l’appelle un présent.
Jean XXIII, lui, disait :
« Le passé à la miséricorde, l'avenir à la providence, le présent à l'amour. »
Jésus nous donne non seulement d’admirer ces citations, mais d’en vivre.
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Durant ces jours, l’Esprit Saint veut nous enseigner la manière de vivre ce paradoxe d’une manière plus profonde. Il pourra le faire si nous prenons plus de temps avec Jésus dans la prière personnelle et si nous participons tous ensemble aux liturgies de la Semaine Sainte. La prière personnelle et la participation à la liturgie de l’Eglise nous permettront de mieux connaître l’amour du Christ pour nous, et ainsi, de faire davantage l’expérience de la vraie joie chrétienne, au sein même des épreuves de la vie.
Nous devrions être reconnaissants de pouvoir célébrer librement la Semaine Sainte dans notre pays. Tous les chrétiens n’ont pas cette liberté. Nous devrions être reconnaissants aussi pour notre foi, ce don précieux qui est la clé pour vivre ces jours avec fruit.
N’oublions pas qu’autour de nous, il y a beaucoup de gens qui n’ont pas la foi. Vous en connaissez tous : des voisins, des collègues, et même des membres de votre famille. Peut-être que personne ne leur a jamais parlé de Jésus, le Messie, le Rédempteur, depuis des années. Peut-être que les épreuves qu’ils ont connues les ont fait entrer dans la tentation, et les ont fait abandonner la vraie foi chrétienne pour adopter une conception de la vie au gré des idées à la mode. Quelle que soit la raison, les faits sont là: ils n’ont pas de rameaux à la main aujourd’hui. Ils n’ont pas de part, aussi minime qu’elle soit, à la victoire du Christ. Ils ressemblent à ces gens qui s’étonnaient de la joie de la foule en demandant : "Qui c’est, celui-là ? Qu’est-ce qui se passe ?"
Y a-t-il une meilleure façon pour nous de célébrer la plus grande semaine de l’année que de leur donner une réponse à cette question, en leur disant qui est Jésus et ce qu’il veut être pour eux ? Jean Paul II aimait à dire que la meilleure façon de grandir dans la foi, c’est de la partager avec d’autres. Cette semaine, fortifiés par la célébration de ce jour, faisons le test, et voyons s’il a raison. La victoire du Christ est trop précieuse pour que nous la gardions pour nous.