Venant d’un autre que Paul Greengrass, dont je suis extrêmement client, je serais infiniment plus indulgent. Mais Green Zone est sans doute le film le plus médiocre du Britannique depuis longtemps. Pas un mauvais film, non, ni un film raté, bien entendu, simplement une œuvre passable. Evidemment la médiocrité de Greengrass n’étant pas la médiocrité du tout-venant, on se maintient à un certain niveau de qualité ; ce type filme comme nul autre, sait rendre n’importe quelle poursuite haletante, avec son sens inouï du tempo, du cadre, alors le tout reste efficace – de la part d’un cinéaste qui a proposé une trilogie qui est au film d’action/espionnage ce qu’Indiana Jones fut au film d’aventures, c’est un minimum. Seulement cette fois-ci, le sujet appelait un scénario moins attendu, plus retors (Brian Helgeland, pourtant un bon, un très bon, un incontournable même, question adaptation). On pourrait dès lors soutenir que le " metteur en images " a fait ce qu'il a pu ; ce serait exonérer un peu facilement le réalisateur (c'est pas un chef op'), maître d'oeuvre d'un film, et du script qu'il a choisi.
Dialogues souvent convenus, personnages stéréotypés (Kinnear, Isaacs, et même Gleeson... mais ça reste Gleeson) ou trop utilitaires (Amy Ryan)... On s’étonne de voir à l’écran des scènes où les
énigmes les plus capitales se résolvent en trois répliques comme dans les enquêtes " 100% de taux d'élucidation en 52 minutes montage compris " de Law and Order. Bref,
question impact on s’attendait à mieux, de la part de l’auteur de Bloody Sunday, ou du sans compromis Vol 93.
Cela dit, si faire de la découverte de la supercherie US concernant les armes de destruction massive irakiennes l’enjeu principal de l’investigation n’était peut-être pas la meilleure piste (quel
spectateur ne connaît pas le fin mot de cette histoire ? et on n’est pas chez Colombo... mieux eût valu en faire un leitmotiv qu'un enjeu narratif), en revanche appuyer là où ça
fait mal, démontrer à quel point les neo-cons ont foutu en l’air le pays et semé le chaos en démantelant l’armée irakienne, en ostracisant les baasistes, en imposant leurs
hommes (excellent passage, le retour au pays d'un "exilé"... stratégie sur laquelle l'Oncle Sam a dû ensuite revenir), tout cela permet au film d’offrir quelques séquences
fortes, et d'atteindre ponctuellement le véritable impact politique qu’il recherche : cette quête parallèle de Roy Miller, celle du "stabilisateur" potentiel (au-delà du
"type qui sait si Bush et Blair ont menti"), course contre la montre menée au nom de la realpolitik, est le véritable ancrage du film dans le monde contemporain, sa
force. Sa faiblesse, c'est la trajectoire invraisemblable de l'éclopé "hadji" qui sert d'indic/interprète/gémini cricket à l'officier rebelle (sur le thème " les Irakiens
sont des gens qui méritent une vie digne, qui ont souffert, ont une conscience, etc... ", comme si on pouvait en douter...), bref l'intrusion du dramatique dans l'action et le politique. Au
début, on est plutôt pour, beaucoup moins ensuite (même chose pour le drame moral vécu par Amy Ryan, avorté)...
Green Zone évite en tout cas l’écueil du « Jason Bourne IV - Bagdad dans la peau » que pouvait laisser craindre la BA, puisque le personnage de Matt
Damon n’est finalement pas le surhomme de la saga – peut-être eût-il fallu un autre acteur, parce qu’à certains moments, malgré tout, on ne peut s’empêcher d’y songer, de se demander ce
que fout le bon Jason à se laisser péter la tronche, et c'est (très) bêtement frustrant (ben oui, le close-combat, c'est sympa à regarder, parfois on voit pas plus loin).
Il va donc falloir attendre le prochain film du Britannique pour dessiner une tendance. Mais Ridley Scott a en définitive fait sensiblement mieux. Si l'on ajoute à cela le fait
que l'échec commercial du film (100 millions de budget et Damon en tête d'affiche pour 15 de recettes le premier WE aux States...), s'ajoutant à celui des précédents sur le sujet,
risque de mettre un sérieux frein à la vague de métrages politico-guerriers sur le Moyen-Orient (à en juger par ce que relate la presse US des réactions à la tête
des studios), on mesure à quel point il était important de ne pas se louper... Enfin, Greengrass aurait pu sortir un chef-d'oeuvre, ça n'aurait sans doute rien changé au
schmilblick, même l'exceptionnel - et pas dispendieux - Hurt Locker s'est planté (sidérant de constater que lors de sa ressortie après les Oscars, alors qu'on aurait pu
s'attendre à un certain rattrapage, le film n'a récolté qu'un petit million de $ aux USA... Quand ça veut pas...).
Kick-Ass fleurait bon la pâtisserie pour geek… et c’est effectivement un pur plaisir de geek, le Zombieland
du comic book, lesté d’une ou deux très légères baisses de rythme, mais enlevé par des scènes tellement jouissives que les réserves s’effacent. Cage ressuscité en Big Daddy (à ce propos
ne pas rater Bad Lieutenant, jouissance totale), une Hit-Girl grandiose, des ados ingrats comme il faut… Rien à redire
(sauf sur la partie bluette, mais ça fait partie des impératifs du Teen), Matthew Vaughn continue à varier les registres, virevolte au milieu des références visuelles, et là,
franchement, il cartonne… Pour rester dans l'univers profondément masturbatoire du nerd, ce film se présente comme une branlette d’exception : ça reste une branlette, mais
Dieu que celle-ci fait du bien.